Promises par le gouvernement depuis 2005, les class-actions ont été enterrées en beauté (et en toute discrétion) par Frédéric Lefebvre... au motif qu’empêcher les entreprises de resquiller 15 milliards d’euros tous les ans aurait "des conséquences dramatiques pour l’économie". Trop classe.
Les class-actions, ce sont des actions de groupe initiées par des associations ou des particuliers au nom de plusieurs personnes ayant subi le même préjudice. Bref, un truc qui permet aux consommateurs de défendre leurs droits. 76 % des Européens seraient d’ailleurs prêts à saisir les tribunaux s’ils pouvaient se grouper avec d’autres consommateurs, selon une étude de la Commission Européenne.
Exemple : en 2005, Orange, SFR et Bouygues Telecom ont été lourdement condamnés pour "entente illicite". Le Conseil de la Concurrence leur a infligé une amende "record" de 534 millions d’euros. Amende qui n’a pas vocation à indemniser les victimes et si l’UFC-Que Choisir estime à plusieurs milliards d’euros le montant de la fraude, il est quasiment impossible pour les abonnés de demander réparation. Pour ce faire, chaque victime devrait en effet porter plainte et assumer les frais d’une action en justice pour récupérer, après des mois voire des années de procédure, quelques dizaines d’euros. Résultat : malgré l’amende, les grugeurs ont tout de même réussi à engranger plusieurs centaines de millions. Pourquoi se gêner ?
Ni vu ni connu, j’t’embrouille
Idem pour l’affaire des commissions interbancaires prélevées pour le traitement des chèques. Les banques s’étaient concertées pour fixer des tarifs exorbitants de façon totalement illégale : 381 millions d’euros d’amende... pour un gain total de 767 millions d’euros ! Pas franchement dissuasif.
16,5 milliards d’euros tous les ans
Et on pourrait multiplier les exemples... tellement nombreux qu’en juillet 2006, la patronne des patrons dâme Parisot affirmait que l’action de groupe "aurait un impact économique lourd" qui ferait "perdre 16,5 milliards d’euros, soit un point de PIB par an aux entreprises". Aussi simple : les consommateurs sont abusés de 16,5 milliards d’euros, tous les ans, sans que personne n’y voit rien à redire. Pire, en janvier 2007, Nicolas Sarkozy affirmait être "très réservé sur les class actions", considérant "qu’aujourd’hui, on paralyse l’activité de l’économie française en l’enserrant dans des contraintes. A l’arrivée, plus personne ne veut prendre de risques, et plus personne ne veut être responsable de rien. C’est le contraire de ce qu’il faut faire". Le contraire... donc protéger encore plus les entreprises qui arnaquent les consommateurs ?
Elles passent à l’as, les class
L’enterrement vient d’être confirmé en grande pompe (funèbre) par Frédéric Lefebvre, à l’occasion de la présentation de son super-génial projet de loi censé renforcer la protection des consommateurs : L’action de groupe "n’est pas satisfaisante, contrairement à ce que je pensais moi-même avant la crise" a affirmé le secrétaire d’Etat à la Consommation, selon lequelle elle pourrait même avoir "des conséquences dramatiques pour l’économie". Et ouais, puisqu’elle aurait coûté "un point et demi de PIB" aux entreprises américaines, l’année dernière... En d’autres termes : les droits des consommateurs, on s’en fout, et que la gruge continue.
Curieuse réaction, pour un gouvernement qui s’est fait une religion de taper sur les fraudeurs et tricheurs en tous genres.