Le Washington Post, journal de « l’établissement » s’il en est, publiait jeudi un article révélateur. Sous le titre « Comment des dizaines de milliers de migrants pourraient aider à sauver l’Europe », le journal présente l’afflux d’immigrés qui cherchent à s’établir dans l’Union européenne – et de préférence dans ses pays les plus riches et les plus généreux à l’égard des migrants – comme une chance. Au moins, les choses sont claires : l’Europe se dépeuple, il ne faut donc pas hésiter à laisser entrer les candidats au repeuplement.
Le sujet est délicat à aborder alors que les esprits sont choqués par le dernier horrible épisode de ces arrivées massives de gens fuyant la guerre ou la pauvreté : les 71 cadavres trouvés dans un camion abandonné le long d’une route autrichienne semblent accuser l’Europe autant qu’ils témoignent de la cupidité et de l’inhumanité des « passeurs ». De justes sentiments d’indignation et de pitié prennent le dessus. Jusqu’à annihiler la raison ?
Ce que l’on observe, c’est un afflux de réfugiés que l’Europe n’avait pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Les médias le soulignent sans rappeler qu’il s’agissait alors plutôt de « personnes déplacées », des gens de cultures semblables voisines cherchant à fuir les bombardements et les hostilités en se mettant à l’abri dans un contexte malgré tout familier. Le déracinement était réel mais plus relatif. Il ne s’agissait pas de l’arrivée de familles qui ne partagent pas avec les populations chez qui elles cherchent refuge ni façon de vivre, ni foi, ni traditions communes. Il ne s’agissait pas d’un afflux venant s’ajouter à des millions de personnes étrangères déjà sur place, et qui sont déjà un sujet de préoccupation.