Samedi a été annoncé le 5ème « plan de sauvetage » d’un pays de la zone euro. Par-delà les questions que cela pose sur une zone dont 30% des membres ont eu besoin d’être sauvés en trois ans, le choix de taxer à 6,75% ou 9,9% l’épargne pose d’innombrables problèmes.
Les épargnants paient pour les créanciers
A l’origine, Nicosie avait demandé, en juin 2012, une aide de 17,5 milliards d’euros aux pays européens, un montant colossal, équivalent au PIB du pays ! Il faut également remettre ce plan en perspective avec la population, d’environ un million d’habitants. Mais l’Europe n’a pas voulu contribuer au-delà de 10 milliards d’euros et a donc demandé à Chypre de trouver de nouvelles recettes, sous la forme d’une taxe de 6,75% sur tous les dépôts du pays, et 9,9% au delà de 100 000 euros.
Cette taxe exceptionnelle devrait lever près de 6 milliards. Donc, l’ensemble des dépôts bancaires représentent environ 80 milliards, dans une économie très largement financiarisée, qui est en réalité un parasite fiscal de plus dans l’Union Européenne. En effet, Chypre servirait de plate-forme pour recylcer de l’argent sale, notamment en provenance de Russie, et le taux d’imposition des sociétés passera de 10 à 12,5%. Les actifs des banques pèsent près de 10 fois le PIB.
Comme le souligne Jacques Sapir, il faut noter que ce plan va refinancer le secteur bancaire sans restructurer la dette du pays (contrairement à la Grèce), selon la volonté de Chypre, qui ne souhaitait pas mettre à contribution son secteur bancaire. Le ministre des finances du pays s’est félicité d’avoir « évité une taxe sur les transactions financières ». Au global, ce sont donc les épargnants chypriotes et les contribuables européens qui vont financer les créanciers du pays !
Un précédent dangereux ?
Bien sûr, parmi les épargnants mis à contribution, il y aura une part de déserteurs fiscaux (britanniques, russes ou grecs), sur lesquels personne ne pleurera. En revanche, tous les épargnants seront touchés par cette taxe exceptionnelle. Jacques Sapir a raison de souligner qu’on aurait pu instaurer une franchise d’une certaine somme pour protéger les plus petits épargnants et rendre cette taxation plus progressive. En outre, se pose la question des comptes des entreprises.
Cette taxation de l’épargne pose de très nombreux problèmes. Tout d’abord, elle risque de provoquer une panique bancaire, comme on l’a vu dès samedi, même si le gouvernement dit prendre des mesures pour la prévenir. Ensuite, cela créé un précédent que les citoyens des pays en difficulté (Grèce, Portugal, Espagne, mais aussi Italie) pourraient alors prendre au pied de la lettre en vidant leurs comptes pour échapper à une éventuelle taxe, affaiblissant plus encore leurs pays…
Comme le souligne très justement Nicolas Dupont-Aignan, cet épisode nous éclaire doublement sur les mensonges liés à l’euro. Non seulement la monnaie unique n’a pas apporté de croissance ou d’emplois mais elle ne nous a pas protégés de la crise, de la spéculation ou du défaut de la Grèce. Pire, on voit à Chypre que l’épargne n’est même plus protégée. Bref, le bilan de la monnaie unique est désastreux et il devient de plus en plus évident que son démontage est une nécessité.
Ce énième plan bricolé pour la Chypre est un véritable scandale. Non seulement il donne de l’argent pour refinancer les créanciers d’un parasite fiscal sans leur demander de restructuration et sans remettre en cause le dumping fiscal du pays, mais en plus, les épargnants règleront un tiers de la note.