On a le droit de rêver de révolutions impossibles.
En l’occurrence d’un service de l’exécution des peines qui aurait pour vocation et pour principe de faire exécuter intégralement les peines.
L’exception autorisant des adoucissements à cette règle.
Je ne joue pas au faux naïf ni au provocateur mais il me semble qu’en énonçant cette banale injonction, je devrais être qualifié de roi du poncif tant, pour une démocratie à la fois digne et vigoureuse et pour une Justice cohérente, une telle exigence d’application pleine et entière des sanctions devrait être l’évidence.
Pourtant, avec cette assertion, je suis le fauteur de trouble. Parce que, réclamant la normalité, je ne vois aucune raison de la battre en brèche sur le plan pénitentiaire.
À peine dans un précédent billet : « Lobby de gauche, réalisme de droite : le président et les prisons », avais-je eu le bonheur de relever quelques éléments réalistes qui mettaient un peu de substance et de vigueur dans le discours convenu et sulpicien contre la prison en tant que telle, à peine avais-je dénié que ce fût la réapparition de Christiane Taubira parce qu’Emmanuel Macron me paraissait éloigné d’une idéologie compassionnelle qui constituait le délinquant comme victime et la société comme coupable, que je suis obligé d’en rabattre.
Il ne faut jamais se réjouir trop vite puisqu’on constate que pour les peines d’emprisonnement égales ou inférieures à cinq ans, nous avons un président de la République et donc une garde des Sceaux qui ont formé le projet d’aller plus loin dans la mansuétude que Christiane Taubira pourtant difficilement dépassable sur ce plan.
En effet, aux deux tiers de la sanction, la libération sous contrainte (bracelet électronique, obligation de pointer par exemple) devra devenir systématique et, je cite car c’est le comble, « le juge de l’application des peines ne pourra refuser l’octroi de la libération sous contrainte qu’en constatant, par ordonnance spécialement motivée, qu’il est impossible de la mettre en oeuvre » (Le Point).
Les magistrats auront donc à justifier les raisons qui les poussent à récuser une exécution laxiste de la sanction.
C’est le monde à l’envers. Je sais bien que notre système est aberrant qui a adopté comme règle l’anormalité : le partiel d’une exécution plutôt que la normalité et la cohérence : la totalité de celle-ci. Fallait-il aller jusqu’à cette absurdité de contraindre des juges à dénaturer leur mission en leur imposant le contraire de la rigueur souhaitable ? Des magistrats devront en quelque sorte aller à Canossa parce qu’ils auront, pour un condamné à cinq ans, eu la faiblesse de considérer qu’il aurait à les purger alors que les portes seront naturellement et largement ouvertes aux deux tiers de la peine.
Les détenus qui se retrouveront plus vite que prévu à l’extérieur (avec un contrôle dont on peut douter de l’efficacité) seront heureux de n’avoir accompli que les deux tiers d’un crime ou d’un délit et leurs victimes seront évidemment compréhensives puisqu’elles ne l’auront été qu’aux deux tiers.