Il faut se méfier de ceux qui pratiquent le choc des civilisations sous anesthésie. Ceux-là prétendent défendre l’Islam au nom de sa solubilité supposée dans la modernité occidentale.
Or l’éthique musulmane détient sa beauté propre. Elle n’a pas à se justifier devant le tribunal médiatique d’une société qui, sous prétexte d’émancipation, exige des femmes qu’elles se soustraient à la maternité et qu’elles acceptent de devenir caissières intérimaires pour suppléer leur mari, mis au chômage par les délocalisations.
Aujourd’hui, il est presque unanimement admis qu’il existe un conflit entre l’Islam et l’Occident. Les uns pensent que ce conflit ne trouvera de solution que dans l’élimination de l’un par l’autre (Bush, Ben Laden). D’autres, tout en présupposant son existence, pensent qu’il faut le dissimuler ou parvenir à un compromis.
C’est ne pas voir que ce conflit n’est, en fait, qu’une crise produite par l’indifférenciation progressive de l’humanité. Il oppose des doubles à l’intérieur d’un système de codification et de représentations communes. Qu’il nous suffise d’évoquer les manifestations qui ont récemment réuni, contre le spectacle d’une pièce scandaleuse, les curés en soutane de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et les barbus de Forsane Alizza.
La grande masse des "modérés" s’en est émue. Elle a même, dit-on, applaudi les CRS qui venaient offrir à la "subversion" le concours de leur matraque. Pourtant, elle ne nie pas l’existence du conflit. Elle souhaite le laisser couver sous la cendre, soit qu’elle veuille en tirer profit, soit qu’elle ne puisse y remédier sans saper les bases du système malsain à l’intérieur duquel elle s’épanouit.
L’histoire nous enseigne que ce sont ces gens-là, en cas d’aggravation inattendue de leur situation et de mouvement de panique, qui fournissent aux fascismes leurs bataillons décisifs.
L’enjeu n’est donc pas, au choix, d’envenimer ou de nier le problème. Il est de parvenir, enfin, à le poser correctement. Pour ce faire, il faudrait que ceux, de part et d’autre, qui ont essayé de conserver ce qu’il y a d’authentique dans leur héritage, se rencontrent et tentent d’apporter une réponse rationnelle à la crise globale que nous traversons.
En un mot comme en cent, le jour où un Ramadan et une Marine Le Pen se parleront sans se renvoyer mutuellement l’image caricaturale que le système adore les voir prendre en charge, nous serons sauvés. A l’inverse, tant que ces personnalités dissidentes ne percevront pas la profonde communauté d’intérêts qui les réunit, elles s’exposent à servir les intérêts de leurs adversaires.