Alors qu’il était sur les lieux à peine cinquante minutes après les faits, M. Hollande aura beau jeu de dire que les retombées positives de ce drame pour sa personne ne sont que purement fortuites. Qu’aucun mentor ès communication n’a vu et saisi aussitôt l’occasion de jeter sous le feu étincelant des médias l’homme hier exécré par une écrasante majorité d’Hexagonaux. Honte donc à ceux qui parleraient d’opération de relation publique et de récupération, car tous les sentiments qui animent nos bonshommes de la rue de Solferino, de l’hôtel Matignon ou du palais de l’Élysée ne sauraient qu’être parfaitement nobles et purement désintéressés.
Néanmoins, le résultat est là, le 18 janvier point besoin de buprénorphine (Subutex) pour affronter les rigueurs de la conjoncture, les sondages suffisent : 21 points de bonus pour le sieur Hollande qui crève le plafond des 40 % d’opinions favorables [1]… et les choses ne devraient pas en rester là ! Mais qu’a-t-il fait au juste, à part prendre une mine consternée et dire avec le minimum de conviction ce que tous les responsables politiques ont déjà dit avant, et diront à nouveau dans l’avenir en pareille circonstance ? Ainsi, quand Jacques Chirac fut appelé au poste de Premier ministre par le président Mitterrand, au moment même où il annonçait la composition de son gouvernement, le 20 mars 1986, une bombe explosait dans la galerie Point Show de l’avenue des Champs-Élysées. Chirac n’eut pas de mots assez durs pour dire à quel point la justice française allait se montrer inflexible, implacable ! Billevesées, jactance, paroles verbeuses ; on ne vit rien du tout [2].
Reste que dans le cas présent, après l’énorme électrochoc émotionnel qui a tétanisé la France, les réveils devraient s’avérer douloureux… parce qu’après le choc, le contre-choc. Viendra en effet le moment du bilan lorsqu’il faudra aligner dans la colonne de droite les bénéfices et dans celle de gauche, les débours ; lesquels ne sauraient tarder ni se multiplier. Le retour de manivelle et l’inévitable gueule de bois ne sont sans doute pas pour dans longtemps. L’atterrissage sera très dur pour les imposteurs et les tartuffes de l’establishment politicien, toutes tendances confondues, parce qu’à chasser le réel, celui-ci revient illico au galop.
« Merci Charlie »
Charlie continue de tuer, à commencer par le Niger qui n’avait jamais connu d’émeutes contre les chrétiens et les Français, confondus dans une même opprobre. Dans Niamey, la capitale, les églises flambent… 23 sur les 45. Cependant, ne comptez pas sur les reportages de nos honnêtes médias… lesquels ont pris cinq jours entiers pour découvrir que le Donbass était endeuillé par la destruction à Donetsk, le 13 janvier, d’un autobus et de ses douze passagers. Mais cela n’avait rien à voir avec les enterrements de nos héros de la plume et du crayon. Par conséquent, l’information est très naturellement passée à l’as. Tout s’explique.
Après une journée de deuil national, le président Porochenko a décrété une mobilisation nationale en trois étapes. D’évidence, la guerre en Europe orientale se prépare. Attendons-nous aussi, nous autres Céfrans, à une guerre contre la Syrie sous couvert de lutte contre l’État islamique. Israël vient d’ailleurs de donner le coup d’envoi avec ses hélicoptères de combat qui sont allés décapiter un état major ennemi dans le Golan, en territoire syrien. M. Hollande n’a-t-il pas en effet désigné, dans ses vœux aux armées prononcés sur le pont du porte-avions Charles de Gaulle, à la veille d’appareiller pour le Golfe en mission opérationnelle, le président el-Assad comme coupable indirect des attentats de Paris ? N’est-ce pas à cause du « régime de Damas » que les djihadistes prolifèrent et que nos jeunes gens trouvent sur leurs théâtres d’opérations l’occasion de se former au combat ? ce qu’il ne peuvent plus faire à domicile depuis que le service nationale, grâce à M. Chirac, n’a plus cours aujourd’hui.
Pour revenir au Niger, pour l’heure seulement, cinq chrétiens ont été brûlés vifs aux cris de « Maudit soit Charlie » [3]. Bien plus loin, en Tchétchénie, à Grozny, ce sont un bon million de manifestants qui se sont rassemblés pour conspuer la France, tandis qu’au Pakistan, Hollande était brûlé en effigie, et les foules appelaient au boycott des produits hexagonaux et à l’expulsion immédiate, sans ménagements, de notre ambassadeur. Merci Charlie !
L’orage gronde aux frontières du monde chrétien
Encore une fois, l’orage gronde aux frontières du monde chrétien, et cela de la même façon qu’en 2006 [4] lors de la publication des « caricatures »… soit dix-sept ans après le premier séisme suscité dans le monde musulman par la publication en 1989 des Versets sataniques de Salman Rushdie.
L’histoire ne se répète pas, elle trace hélas une spirale inflationniste. Et rien ni personne parmi les élus du peuple, à travers l’Occident démocratique, n’en tire jamais de leçon. Sauf qu’à chaque fois, le mal empire. Et quand cela semble fini, ça recommence [5]. Et « ça » vient de recommencer avec la dernière livraison, celle du 14 janvier, tout aussi ordurière que les précédentes. À croire que personne ne veut rien comprendre.
La Toile et le monde vibrent encore aujourd’hui de l’indignation et de la colère de foules que chaque épisode exaspère un peu plus et fait inexorablement basculer dans le camp de la radicalité. La dernière couverture de Charlie Hebdo, à son tour, a déclenché de manière prévisible – ou peut-être comme prévu – une nouvelle vague de violence à travers le monde, montrant que ceux qui érigent « Charlie » en grande cause nationale, en tant que champion de la Liberté et de la Démocratie, sont au minimum soit des irresponsables absolus ou de parfaits incultes doublés d’amnésiques… soit ils s’inscrivent volontairement, sciemment, dans une stratégie mondiale de tensions interconfessionnelles et intercommunautaires, dans une perspective de choc global des cultures. En cela ces « décideurs », quel que soit le cas de figure, sont d’une extrême dangerosité. Mais qui parviendra à démasquer leur forfaiture [6] ? Tant la complicité dans la sottise et la démission est grande, à nourrir la machine infernale du clash entre grandes aires civilisationnelles et religieuses. Notons que dans cette théorie délirante, le monde orthodoxe se trouve logé à la même enseigne, ou presque, que l’Islam. Confrontation que d’aucuns appellent de leurs vœux ardents… un peu à l’instar de ces gens qui se congratulaient et dansaient devant les tours de Manhattan en flammes !
La guerre comme seule issue pour un système en perdition
Il est vrai que la guerre apparaît désormais à certains oligarques transnationaux comme la seule issue possible pour échapper à la crise systémique rongeant jusqu’à l’os l’hypercapitalisme mondialisé ! Nous sommes d’ailleurs sur ce point certainement parvenus à un point de non-retour. D’importantes fractions des opinions publiques occidentales, chauffées à blanc depuis des décennies, viennent – comme un seul homme – de s’engloutir dans l’abîme. La tuerie de Charlie n’a-t-elle pas permis de cristalliser et de capitaliser toutes les peurs sans exception ? Non seulement celle d’un islam étranger, envahissant et dérangeant, mais encore d’y associer le profond mal-être qui enveloppe tout un chacun dans une société en pleine décomposition ? Pourtant, les politiques professionnels qui aujourd’hui se frottent les mains à la suite de leur super coup de pub, devraient malgré tout se préparer au reflux… car la diffusion à sept millions d’exemplaires du numéro historique du 14 janvier risquent d’en dessiller plus d’un. En France comme ailleurs. Mais il est aussi vrai que flétrir et avilir les symboles religieux, essentiellement chrétiens et musulmans, est passé dans les mœurs, notamment via des programmes télévisuels résolument trash, c’est également un sport très en vogue depuis toujours dans certaines sectes [7].
Mais aussi « abrutis » que soient beaucoup de nos contemporains, en application du principe d’espérance – l’antidésespoir – il est encore permis d’imaginer que nombreux encore sont ceux qui ne conçoivent pas le droit à la critique, à la satire, à l’ironie mordante et même cruelle, sans qu’il soit accompagné d’un minimum de décence, de mesure, de retenue, du sens de la dignité, et d’un minimum de respect parce… qu’il y a des limites à tout et à ne surtout pas dépasser ! A contrario, ce dernier Charlie nous montre à quel point ses gribouilleurs sont inlassablement guidés par une indéracinable malveillance. Plaignons ceux qui ne s’en rendent pas compte.
Comme cette fille affolée, Sigolène Vinson, rescapée du jour fatidique, qui a croisé le regard de l’exécuteur. Celui-ci l’a rassurée en lui disant qu’il « ne tuait pas les femmes », lui demandant de se repentir pour « le mal qu’elle avait fait » ! Celle-ci avoue aujourd’hui ne pas avoir compris de quel « mal » il s’agissait, trouvant cette remarque parfaitement injuste : « Je l’ai trouvé injuste. Injuste de dire que ce qu’on faisait était mal, alors que le bien était de notre côté. » [8]. Nous touchons ici du doigt un prodigieux quiproquo. Tout un pan de l’Occident ne sait plus aujourd’hui, en ces temps de confusion mentale, où se situent le bien et le mal… le beau et le laid, valeurs objectives, le vrai et le faux, et cætera. Et en effet, le fossé se creuse entre des humanités divergentes : l’une, nominaliste, prend les mots pour les choses, vivant d’abstraction absconses telles « le mariage pour tous » ou « la liberté d’expression totale et absolue… sauf limites prévues par la loi », la loi étant dans le cas présent l’expression totalitaire la plus achevée de l’idéologie. Bref un monde déraciné, hors-sol, où s’exerce pleinement la tyrannie des mots déconnectés du réel [9].
Faillite totale et absolue de l’idéologie socialiste libérale-libertaire
Il y aurait tant et tant à dire. Charlie Hebdo, hier fanzine en perdition, est à présent en passe de devenir l’un des périodiques les plus riches du monde avec le produit des ventes de sept millions d’exemplaires ; grâce aussi à la multiplication exponentielles du nombre de ses abonnés, à des dons et à des subventions par millions d’euros… Malgré tout cela, que reste-t-il après douze jours d’hystérie et de matraquage médiatique ? Où en est-on de la splendide « Union sacrée » des premiers jours tandis que de plus en plus nombreux – et ouvertement – sont ceux qui refusent d’endosser les habits peu ragoûtants de Charlie ? « Des fissures sont apparues dans le bloc de granit de l’union politique ; une partie de la population française a osé avouer qu’elle n’était pas Charlie. Le climat social se tend à nouveau avec une grève des routiers et l’échec des négociations patronat-syndicats sur la réforme du droit du travail », nous dit Nicolas Beytout [10]. Bref, il va falloir à présent redescendre sur Terre, faire face au réel. Un retour qui s’annonce brutal.
Un tout dernier mot pour souligner la faillite intégrale du « système », c’est-à-dire de l’idéologie socialiste libérale-libertaire. Un seul personnage résume à lui seul cette irrémédiable et tragique fiasco, le Garde des Sceaux. Car qui a fait relâché – et par conséquent porte une lourde responsabilité dans les crimes commis – le sieur Coulibaly, condamné sept fois en moins de douze ans à des peines cumulées dépassant vingt-deux ans de prison, mais qui était libre de perpétrer ses actes sanglants ? Condamné fin 2013 à cinq ans fermes pour complicité d’évasion, il sort cinq mois plus tard en mars 2014, nanti d’un bracelet électronique. En mai 2014, il est affranchi de cette ultime et dérisoire ustensile. À partir de 2017, la contrainte pénale pourra s’appliquer à des détenus condamnés jusqu’à dix ans de privation de liberté et les libérations anticipées seront généralisées ! exception faite, évidemment des crimes orwellien « contre la pensée », les seuls véritablement répréhensibles et punissables.
Enfin, Jules Ferry pensait qu’« ouvrir une école, c’est fermer une prison »… dans la même ligne, madame Taubira croit que dépénaliser le crime, c’est l’abolir. Il ne s’agit pas d’angélisme, mais de sectarisme crasse, parce que l’utopie, toutes les utopies volontaristes, celles qui veulent réduire la réalité à la dimension de micro-boîtes crâniennes, sont par définition essentiellement meurtrières.
Que dire de la culpabilité de ceux qui font, chaque douze mois que Dieu fait, entrer 200 000 à 300 000 migrants – clandestins ou non – que nous sommes bien en peine d’intégrer et encore moins d’assimiler. Peut-être pour compenser les pertes humaines que représentent les 200 000 fœtus tués chaque année au nom de la Liberté de « vivre sans temps mort et de jouir sans entrave » ! Que dire enfin de la dictature des 850 000 profs et pédagos de France qui ne servent qu’au formatage idéologique du vivre ensemble – avec le succès que l’on sait – et à produire industriellement de l’analphabétisme ? Rien. Les faits parlent d’eux-mêmes.
Reste que les récents événements donnent la mesure de l’immensité de la jobardise populaire… De sa perméabilité aux champs des sirènes et de sa capacité à gober les pires montages. Celles de foules qui demain seront éventuellement capables de reconduire aux Affaires la clique des assassins de la Nation, ces gens qui s’emploient à dépecer les derniers lambeaux de notre patrimoine collectif… l’aéroport de Toulouse à la Chine, le nucléaire avec Alstom bradé à General Electric… Tout est dit !