C’est un des paradoxes de notre vie politique que de voir une partie importante de la gauche défendre mordicus le néolibéralisme le plus antisocial. Entre un PS qui veut augmenter le SMIC de 2% et Le Monde qui annonce qu’augmenter le SMIC détruit des emplois, cette « gauche » surprend.
La mondialisation invente la gauche antisociale
Il y a quelques semaines, dans un papier sur « les trois gauches », j’avais parlé de cette « gauche social-libérale », qui n’a plus de sociale que le nom, parfaitement représentée par cette fondation Terra Nova qui a théorisé l’abandon du peuple par le Parti Socialiste. C’est ainsi que dimanche, en écoutant France Info, je suis tombé sur une chronique économique qui dénonçait le conservatisme d’Air France, qui ne se serait pas suffisamment adaptée à la concurrence.
Pour un peu, le journaliste aurait dénoncé l’attachement conservateur aux acquis sociaux des syndicats ! Pas un mot sur la concurrence déloyale d’un certain nombre de compagnies, qu’elles soient issues de pays produisant du pétrole et qui ont fait des compagnies aériennes un axe de leur développement économique ou de toutes les compagnies qui profitent des salaires beaucoup plus bas des pays en voie de développement pour tailler des croupières à la compagnie…
De même, Le Monde a publié une interview sidérante pour un journal qui se dit de gauche, dénonçant toute augmentation du SMIC au-dela de l’inflation, affirmant que nous avions trop augmenté les salaires dans les dernières années, que cette augmentation détruit des emplois, du fait de la mondialisation. Bref, le Medef peut être content, le quotidien de référence de la gauche reprend un à un ses arguments. Dans un monde mondialisé, il n’est pas possible de monter les salaires en France.
Les bisounours de l’économie
Mais ce qui est incroyable avec cette interview, c’est l’incapacité de cette gauche à se poser des questions un peu plus fondamentales sur la mondialisation. S’il est impossible de monter les salaires dans ce cadre mondialisé, étant donné les écarts colossaux avec des pays proches (Afrique du Nord, Europe de l’Est), n’y-a-t-il pas carrément un risque de baisse de salaires, comme ce qui se passe dans les pays les plus en difficulté de la zone euro, en Grèce ou au Portugal ?
Et surtout, ceci est-il tout simplement acceptable ? Ne faut-il pas remettre en cause cette mondialisation qui promeut une casse sociale dans nos pays et qui interdit toute progression des salaires pour les classes populaires et moyennes ? Il est curieux que cette gauche n’en vienne pas à se poser cette question. La croissance laisse actuellement 90% de la population sur le bord du chemin. Une petite minorité conserve l’essentiel des profits du peu de croissance qui nous reste.
C’est ce que montrait bien le terrible chiffre de The Economist qui montrait que les actifs nets des familles des Etats-Unis avaient reculé de 39% depuis 2007, tombant au niveau le plus bas depuis 1992 mais que ceux des 10% les plus riches avaient réussi à progresser sur la même période, ce qui pose toute de même la question fondamentale de l’inégalité d’un tel système. Cette gauche ne semble pas s’y intéresser, à part en période électorale, comme le fait Barack Obama.
Le problème avec cette gauche, c’est qu’elle soutient tellement la libéralisation de l’économie et la suppression des frontières qu’elle refuse de voir toutes les conséquences néfastes qu’elles apportent. Pire, elle refuse radicalement d’utiliser les frontières pour protéger les plus faibles.