La loi sur « la liberté du choix de son avenir professionnel », votée en septembre dernier, avait prévenu : les contrôles sur les chômeurs allaient se durcir. Mais personne ne s’attendait à ce que les sanctions prévues contre les demandeurs d’emplois soient si rudes, y compris les agents de Pôle emploi. Annoncées fin décembre par un décret publié au Journal officiel, ces sanctions prévoient de rogner, voire de supprimer les indemnités chômage pour des rendez-vous manqués, des offres d’emploi refusées, ou des connexions sur son espace personnel pas suffisamment fréquentes. Du côté des conseillers, c’est la consternation, teintée de colère et de stress.
Les nouvelles instructions sont tombées sur les bureaux des agents de Pôle emploi le 3 janvier dernier. Une dizaine de pages qui décrivent par le menu les obligations des demandeurs d’emploi et les sanctions auxquelles ils s’exposent s’ils n’y répondent pas. Et ce, dès le premier manquement. Une première absence à un rendez-vous entraîne une radiation d’une durée d’un mois. À la seconde absence, la radiation est étendue à deux mois et les indemnités sont supprimées pour une durée équivalente. À la troisième absence, on passe à quatre mois.
Ces radiations et suppressions d’indemnités seront également exponentielles en cas d’« insuffisance de recherche d’emploi » ou de « refus de deux offres raisonnables d’emploi », le tout laissé à l’appréciation des agents de Pôle emploi. « J’étais en réunion de service le jour de l’annonce, se souvient Daniel, conseiller dans le Sud-ouest. Et bien même les collègues les plus enclins à sanctionner les chômeurs ont déclaré que là, quand même, le gouvernement y allait un peu fort et que l’on risquait d’avoir des soucis au niveau de l’accueil. »
« Désormais, pôle emploi a tout pouvoir. Il n’y a plus de regard extérieur »
Parmi les points « essentiels » à retenir : le fait que Pôle emploi dispose désormais du pouvoir de supprimer une partie ou la totalité du revenu de remplacement – l’assurance-chômage que perçoit un salarié licencié ou dont le contrat s’est terminé, et pour laquelle lui et son employeur ont cotisé. Avant la parution du décret, le 30 décembre 2018, qui définit les nouvelles règles de contrôle des chômeurs, la suppression du revenu des indemnités chômage nécessitait une saisine du Préfet. « Désormais, pôle emploi a tout pouvoir. Il n’y a plus de regard extérieur », s’inquiète Émilie, qui travaille depuis plus de 30 ans auprès des demandeurs d’emploi en Bretagne, depuis l’époque des Assedics devenues Pôle emploi en 2009. Elle craint de voir le sens de son travail lui échapper totalement : « Nous ne somme pas là pour sanctionner et radier les gens, nous sommes là pour accompagner les personnes en recherches d’emplois et calculer leurs allocations au plus juste. »
Ce contrôle et ces sanctions renforcés doivent être mises en place via de nouveaux formulaires et logiciels que les conseillers ne maîtrisent pas encore. Et pour cause : ils n’ont pas eu le temps de complètement se familiariser avec les « nouveaux » logiciels précédents... « Cela fait partie des méthodes modernes de management du personnel, tempête Daniel. Il ne faut jamais être sûr de soi, jamais être en confort. Chez nous, on est fermés au public un jour par mois pour digérer les nouveautés informatiques, sans réussir à le faire du reste. Même les plus zélés, qui acceptent de faire des heures et des heures en plus pour pouvoir se mettre à jour n’y arrivent pas, c’est impossible. »