Il aura fallu l’énorme scandale d’un ancien ministre du budget, ironiquement chargé de traquer l’évasion fiscale, qui avait caché une partie de ses avoirs en Suisse, puis à Singapour, pour enfin attirer l’attention des médias et du public sur le mal endémique des parasites fiscaux, un sujet qui m’est cher.
Les sangsues de l’économie mondialisée
Nicolas Dupont-Aignan, en charge d’une mission parlementaire avec le député communiste Alain Bocquet, a publié cette semaine une tribune dans le Monde, où il appelle le président de la République à de l’audace. Par définition, les chiffres varient beaucoup selon les sources. En France, 40 à 80 milliards d’euros de recettes fiscales seraient perdues (le déficit pour l’année 2013 atteindra environ 75 milliards) et 600 milliards d’épargne originaire de citoyens français y serait placée.
Dans un papier que j’avais publié en février, basé sur une vaste étude de The Economist, il est estimé que 7 à 18% de la richesse privée y serait placé mais qu’une partie plus importante des investissements des multinationales y transiteraient (30% selon le FMI), sans compter la désertion fiscale permise par les prix de transfert ou le système de royalties payées dans des pays à faible fiscalité. De nombreux pays européens sont dans le viseur : Luxembourg, Suisse, Grande-Bretagne…
Le mécanisme est simple et infaillible. Il suffit de baisser très fortement le niveau des impôts pour attirer les entreprises (10 et 15% d’IS contre 30%) et ménages aisés. Cela fonctionne tant que la plupart des grands États ne rentrent pas dans cette course, sinon ce serait un jeu à somme nulle. D’ailleurs, on constate que la Grande-Bretagne, malgré son plan d’austérité sévère, va pourtant baisser l’impôt sur les sociétés pour asseoir sa position au sein de l’Union Européenne.
L’UMP et le PS ont laissé et laissent encore faire
Ce qui est impressionant, c’est de constater à quel point UMP et PS ont finalement permis et laissé faire ces parasites. Le démantèlement des barrières aux mouvements de capitaux remonte au gouvernement Rocard. Nicolas Sarkozy avait (justement) attaqué ces trous noirs de l’économie mondialisée, avant de se satisfaire d’une réforme totalement dérisoire. De facto, l’activité des parasites fiscaux continue à se développer car il y a concurrence entre eux pour attirer les capitaux de la planète.
Le PS a beau jeu de les dénoncer, mais non seulement il est à l’origine de la déréglementation qui leur a permis de prospérer, mais il ne propose rien pour entraver leur développement, comme le souligne bien Nicolas Dupont-Aignan. De manière assez étonnante, même la tribune cosignée par le porte-parole d’Attac dans le Monde, si elle propose des mesures intéressantes, oublie le sujet essentiel du contrôle des changes aux frontières, le meilleur moyen de lutter contre la désertion fiscale.
Bien sûr, il n’est pas injuste de publier les listings des déserteurs fiscaux, mais cela revient à traiter les conséquences des problèmes et non les causes. Et que faire quand il est possible de placer son épargne en protégeant son identité, comme cela est possible au Delaware, ou même en Europe ? Il faut aller beaucoup plus loin dans la réforme des flux de capitaux et dans la taxation des multinationales qui jonglent avec les juridictions pour minimiser leur charge fiscale.
Près de 5 ans après le début de la crise, les citoyens et les médias découvrent que rien n’a changé et que les parasites fiscaux prospèrent et qu’un ancien ministre du budget y cachait une partie de son épargne. Encore un sujet qui montre l’urgence de se débarrasser du PS et de l’UMP.