Le président de Catalogne Artur Mas devait convoquer lundi des élections régionales qu’il présente comme un plébiscite sur l’indépendance de la région, une manoeuvre qui a rencontré suffisamment de succès pour inquiéter le gouvernement espagnol.
Pour les indépendantistes, il s’agit de « jouer le tout pour le tout » avec ce scrutin anticipé que M. Mas doit formellement convoquer par décret pour le 27 septembre. En cas de victoire, ils promettent de faire aboutir, en 18 mois, l’indépendance de cette région du nord-ouest de 7,5 millions d’habitants, produisant à elle seule un cinquième de la richesse espagnole.
« Nous sommes préparés », répète Artur Mas. Depuis plusieurs mois, son équipe travaille à la création d’une administration parallèle capable d’assumer les compétences d’un État.
Fin juillet, le gouvernement catalan a présenté son modèle d’administration fiscale en cas de sécession, et approuvé un décret-loi facilitant la transformation d’un institut de crédit public en une banque centrale de Catalogne. Il a aussi renforcé son réseau diplomatique afin de gagner à l’étranger des soutiens à sa cause.
Plus que des élections
Ces derniers mois, la question catalane était restée au second plan, le gouvernement étant davantage préoccupé par l’ascension de la gauche radicale de Podemos qui, avec les socialistes du PSOE, pourrait les écarter du pouvoir aux législatives de la fin de l’année, comme ils l’ont fait aux élections locales en mai.
Mais la situation s’est retournée à la mi-juillet lorsque les partis indépendantistes ont surmonté leurs divisions pour faire front commun aux régionales.
Leur liste, « Ensemble pour le oui », comprend le parti de Mas, Convergencia Democratica (CDC, conservateur), Esquerra Republicana (ERC, gauche) la seconde force politique régionale et d’influentes associations nationalistes ayant organisé des manifestations massives ces dernières années.
Avec l’appui du petit parti anticapitaliste CUP, indépendantiste aussi, les formations de la liste comptent remporter la majorité absolue au parlement régional, suffisante selon elles pour procéder à la séparation.
Les institutions centrales rejettent fermement ces projets. « Il n’y aura pas d’indépendance de la Catalogne » a affirmé le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, tandis que le roi Felipe VI, chef de l’État, a rappelé à Barcelone le nécessaire respect de la loi « pour une cohabitation démocratique en paix et dans la liberté ».
Plusieurs ministres de Rajoy ont même évoqué la possibilité d’utiliser l’article 155 de la Constitution espagnole, permettant de suspendre l’autonomie d’une région, si elle viole le droit.
Les indépendantistes ont répondu que si l’on en arrivait à cette extrémité, ils déclareraient d’emblée la sécession.
« Il n’y a plus de marche arrière », a assuré la tête de liste indépendantiste, Raul Romeva, un ex-député européen écolo-communiste désigné par CDC et ERC pour montrer que le mouvement transcende les idéologies.
Après l’apogée d’un référendum symbolique du 9 novembre dernier, tenu malgré une interdiction de la justice, le mouvement indépendantiste s’était essoufflé. Pour la première fois depuis 2011, les partisans du maintien de la région en Espagne dépassent le nombre des indépendantistes dans les sondages.
« Les indépendantistes pourraient l’emporter »
Mais Mas a réussi à recentrer le débat électoral sur la question de l’indépendance, y compris chez ses adversaires les plus critiques, le Parti populaire de Rajoy et Ciudadanos (centre droit).
« Nous sommes à la veille des élections régionales les plus importantes de l’Histoire », a estimé Xavier Garcia Albiol, le candidat désigné récemment par le Parti populaire pour briguer la présidence catalane.
« Il est urgent (...) de créer une nouvelle majorité » non nationaliste, a écrit dans le quotidien El Pais Albert Rivera, leader de Ciudadanos.
Cette majorité exigerait une alliance entre les deux partis de droite, les socialistes (PSOE), les chrétiens-démocrates (UDC) qui ont rompu leur alliance historique avec Mas en raison de son indépendantisme - et une plate-forme citoyenne de gauche radicale menée par Podemos.
« Le débat n’est pas de savoir si le Parlement catalan doit contenir ou non des forces de gauche ou de droite. Le plus important, c’est de réussir à former une majorité avec ceux qui veulent que la Catalogne reste dans l’Espagne », a affirmé Garcia Albiol.
À deux mois du scrutin, les deux camps semblent à égalité. « Il existe une majorité sociale en faveur de l’unité, mais elle n’est pas mobilisée et manque de cohésion. Les indépendantistes pourraient donc remporter la victoire », estime Nacho Martin Blanco, analyste et chroniqueur du quotidien conservateur ABC.