Le conseil des prud’hommes de Bordeaux a donné raison lundi 28 mars à 132 salariés de Carrefour de la banlieue bordelaise qui dénonçaient le fait que leur pause soit incluse dans leur salaire
Le forfait pause de vingt minutes est-il un élément de la rémunération ? À cette question, le juge départiteur du conseil des prud’hommes de Bordeaux a répondu par la négative, donnant ainsi raison aux salariés de Carrefour dans l’agglomération bordelaise. Le géant de la grande distribution devra verser 500€ de dommages et intérêts aux plaignants.
« Tous ces employés, qui sont smicards, vont percevoir entre 3000€ et 4000€, une somme qui va leur faire beaucoup de bien », se réjouit Denis Lauxire, secrétaire général du syndicat des services de la Gironde à la CFDT, qui s’était porté partie civile. À Mérignac, Bègles et Lormont, 132 employés de l’enseigne estiment qu’ils ont été lésés sur le mode de calcul de leur salaire jusqu’en janvier ?2009. Un manque à gagner estimé entre 1500€ et 3000€ par personne.
« Si l’on exclut de leur rémunération mensuelle le forfait pause, ils ont été payés au-dessous du smic », s’indigne leur avocate, Me Myriam Laguillon. Selon la CFDT, 70% du personnel de ces trois hypermarchés Carrefour aurait été « victimes de cette injustice entre 2003 et 2008 ».
« Cette décision devrait forcer la direction à négocier davantage »
« C’est une pratique illégale dénoncée à plusieurs reprises par l’Inspection du travail et par de nombreuses juridictions », a rappelé l’avocate des salariés à l’audience du 24janvier. « Carrefour ne fait qu’appliquer la convention de branche », avait, pour sa part, plaidé Me Daniel-Julien Noël, avocat du distributeur.
Pourtant, « depuis janvier 2009, l’enseigne commerciale a unilatéralement changé de pratique pour se mettre en conformité avec le droit, mais sans effet rétroactif, fait remarquer Me Myriam Laguillon. Ils reconnaissent implicitement l’illégalité de cette pratique. »
Elle avait donc réclamé des dommages et intérêts et un rappel de salaires de cinq ans au titre de la législation sur le smic, ainsi que 189€ par salarié et par an pour frais de nettoyage des vêtements de travail à leur charge. Sur tous ces points, les salariés ont gagné. « Cette décision devrait forcer la direction à négocier davantage et à ne pas aller systématiquement au conflit », estime Denis Lauxire.
« Nous allons déposer une centaine de dossiers »
Ces pratiques de Carrefour sont loin d’être isolées. À Lyon, à Angers, à Montpellier… d’autres salariés de Carrefour ont également engagé des recours en justice. Selon, la CFDT, 32 ?000 personnes sont concernées. Et les réponses des tribunaux diffèrent. Le 24 octobre 2008, le tribunal de police de Lyon a condamné Carrefour à verser 1,2 million d’euros, mais la cour d’appel a relaxé ce géant de la grande distribution.
Plus récemment, le 1er mars, le tribunal des prud’hommes d’Évry a condamné le groupe pour non-respect du smic à l’encontre d’une soixantaine de salariés du magasin situé dans le centre commercial Carré-Sénart, à Lieusaint, en Seine-et-Marne. Le 16 février, pour la première fois, la Cour de cassation avait donné raison à la CGT et à la CFDT, qui dénonçaient des salaires inférieurs au smic.
Déterminé, Carrefour devrait faire appel de cette décision des prud’hommes de Bordeaux devant la Cour de cassation. La CFDT va également poursuivre le combat. « D’ici au mois d’avril, nous allons déposer une centaine de dossiers, car d’autres salariés n’ont pas osé porter l’affaire en justice. Maintenant que nous avons gagné, il faut aller jusqu’au bout de la démarche », indique Denis Lauxire.
Nicolas CÉSAR, à Bordeaux