On pensait naïvement que le coup de l’élargissement des trottoirs contre les agressions sexuelles de femmes par les migrants du quartier de la Chapelle avait définitivement réduit la Haas au silence. C’était méconnaître la furia anti-hommes et anti-drague.
Elle a mis a profit sa traversée du désert pour nous pondre un livre définitif contre les violences sexuelles, dont sa définition anti-« zones grises » est si sensible, si fine, qu’on a du mal à l’appréhender. On veut dire par là que la moindre approche d’une femelle désirable par un mâle désirant peut d’après son livre se transformer très vite en agression, si l’approche elle-même n’en est pas déjà une.
Vous dites que la zone grise n’existe pas. Mais un sociologue, Jean-Claude Kaufmann [Elle lève les yeux au ciel], qui travaille depuis des années sur le sujet, affirme que l’idée d’un consentement clair est une fable.
Alors il y a deux choses différentes. D’un côté, dans une société où il y a des inégalités aussi profondes, peut-on imaginer sincèrement que des relations soient à l’abri de toutes formes de pression, de stéréotypes, ou d’inégalités ? Je ne suis pas sûre. Mais de l’autre côté, je fais le choix politique de refuser le terme de « zone grise » qui est utilisé pour faire croire aux femmes et à la société que les femmes seraient consentantes à des rapports non consentis, et pour banaliser les violences.
Mais vous ne croyez pas que cela arrive, de ne pas percevoir que l’autre hésite ?
Si je vous propose une pizza, je vais voir assez vite si vous adorez la pizza, ou si vous n’êtes pas trop sûre. Pourquoi en matière de sexe, cela serait plus compliqué ? Comment se fait-il que les mecs n’aient pas les codes pour décoder quand on n’a pas envie ?
Si généralement l’homme propose et la femme dispose, avec la Haas, l’homme ne va plus pouvoir proposer beaucoup. Et puis la drague, on le sait, c’est le moyen par lequel les hommes pauvres peuvent encore sauter par-dessus la barrière sociale. Avec les lois Haas, les pauvres dragueront des pauvres, et les riches des riches ! Et les vaches seront bien gardées.
Depuis #MeToo, les définitions ont changé, et l’expression violences sexuelles ne recouvre pas les mêmes choses : elle s’est gonflée comme un poisson-lune, on peut y mettre tout ce qu’on veut, par exemple ce qui nous déplaît. Voici l’interview de la Haas par le site mobile du journal gratuit 20 Minutes, qui participe depuis un an à la propagande d’État pour abrutir les citoyens avec le Covid. C’est pour situer le journal.
Néanmoins, comme le souligne Caroline, la drague lourde existe, on en a déjà parlé ici. Mais utiliser les bourrins pour salir ou punir tous les hommes, ça devient un projet politique, c’est du féminisme à l’américaine, du puritanisme qui cache en plus des désirs forcément coupables. C’est le même principe que d’utiliser les racailles pour salir ou punir toute la communauté musulmane de France, le projet national-sioniste en cours.
Les filles draguent aussi. Le site des intellectuelles féministes madmoizelle.com a essayé de faire de l’humour sur le sujet (attention au bandeau suggestion « Que faire du sperme si j’avale pas » à 6’18) :
La drague lourde existe, on le répète, à cause des hommes qui n’ont pas la culture de la drague, de l’autre, du respect de la femme, de ses désirs cachés ou exhibés. Cela n’en fait pas des violeurs mais juste des cons, selon la définition d’Audiard : celui qui ose tout car il ne se rend compte de rien. Mais le féminisme lourd existe aussi !
Car ne pas admettre que les femmes oscillent entre le oui et le non, sur une échelle faite de zones grises, entre le oui-oui (le oui qui est un oui), le non-oui (le non qui cache un oui), oui-non (le oui qui est un non) et et le non-non, c’est être hypocrite. Chez les filles, malgré tout ce qu’elles montrent (l’exhibition des avantages sexuels est de rigueur aujourd’hui, et de plus en plus jeune), le consentement est chose cachée, et les hommes doivent s’adapter à cette complexité, à cette contradiction parfois, qui peut être un piège.
Le livre est ponctué de quiz et de fiches qui dressent un tableau chiffré des violences sexuelles et en décryptent les mécanismes. Avec à la fin, quelques pistes d’action pour répondre aux propos sexistes, détecter les violences, accompagner une victime ou aider une personne violente. 20 Minutes a rencontré son autrice, Caroline De Haas, co-fondatrice de #NousToutes, qui recevra les bénéfices du livre.
Pourquoi avez-vous voulu écrire ce manuel ?
Depuis quelques années, il ne se passe pas une semaine sans que je sois sollicitée par des amis et amies, des internautes, des professionnels et professionnelles, qui me demandent un coup de main. Et je me suis dit que cela pouvait être intéressant de réunir tous ces outils par écrit pour les rendre accessibles. Et puis la deuxième raison, c’est que si chacun ou chacune d’entre nous est capable d’identifier les violences, de donner les trois numéros de téléphone utiles, on a le pouvoir de faire reculer les violences dans les cinq ans qui viennent.
Vous dites qu’il faut commencer par « identifier le problème », donner les chiffres des violences sexuelles. Pourquoi ?
Tant que les gens ont l’impression que les violences sexuelles, c’est quelque chose qui ne les concerne pas, que c’est la joggeuse dans un bois, ou que ça se passe dans un autre pays du monde, il n’y a aucune raison qu’ils changent leur regard sur le sujet. Donc le premier frein auquel on se heurte quand on s’engage sur les violences, c’est le déni. Ce sentiment que globalement « ça va », que « y’a pas mort d’homme ». Et puis il faut accrocher les gens. Et pour les capter, le meilleur outil ce sont les chiffres. Répéter qu’il y a près de 100.000 viols ou tentatives de viols par an en France par exemple. Et plus de 500.000 agressions sexuelles.
Les gens confondent drague (dite parfois « lourde ») et harcèlement sexuel. Vous expliquez qu’il y a une vraie différence de nature. Est-ce que vous pouvez nous la résumer ?
Je crois que la drague lourde, ça n’existe pas. C’est du harcèlement sexuel. Il y a un mythe selon lequel le harcèlement sexuel serait de la drague appuyée. La réalité, c’est que soit on est dans un rapport de respect, soit on ne l’est pas. Dans un cas tu dragues la personne, et la personne est soit enthousiaste, soit pas très sûre et tu retentes, soit pas d’accord et tu te prends un râteau. Et quand tu prends un râteau c’est hyper désagréable, mais tu ne reviens pas à la charge. C’est la vie, c’est comme ça. Le harcèlement n’est pas un rapport de respect, c’est une violence dans laquelle on impose à une personne des actes qu’elle n’a pas souhaitée. La drague n’atteint pas la dignité.
Mais au sein des violences, il y a une déqualification permanente. Quand on parle de harcèlement sexuel, on a l’image de la main aux fesses, alors que c’est une agression sexuelle. Quand les gens voient du harcèlement sexuel, ils se disent « tiens c’est un propos sexiste ». Et quand ils entendent un propos sexiste, ils se disent « c’est une blaguounette ».
Vous expliquez dans votre livre que certains mots minimisent les violences. « Frotteur », « attouchements », « abus sexuels », par exemple. Pourquoi ?
« Frotteur », cela parle d’une agression sexuelle. Si vous dites « oh là là quelqu’un m’a frotté dans le métro », ou « oh là là quelqu’un m’a agressé dans le métro », ça n’a pas du tout le même sens. « Frotter », cela peut presque être mignon. Et quand on parle d’« attouchement », on parle généralement d’une main aux fesses ou sur les seins. Donc on parle aussi d’une agression sexuelle. Là encore le terme ne donne pas la réalité de ce qui est subi.
Ensuite, « abus sexuel », c’est un autre problème. Il sous-entend qu’on a abusé d’une chose autorisée. Quand on mange beaucoup de chocolat, on peut avoir abusé du chocolat, mais on a le droit. Quand on parle d’abus sexuel, cela donne la sensation qu’on peut violenter des enfants, jusqu’à un certain point. Ce n’est pas possible. On ne peut pas « abuser » d’un enfant. C’est « non » dès le départ.
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