Médecins du Monde craint les violences dans les prochaines heures. Interview du coordinateur de l’association à Calais.
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Il y a eu des problèmes avec les femmes ?
Le Home office a fait partir un bus avec 70 femmes qui répondaient à des critères bien précis de regroupement familial. Mais il y a eu un vrai manque dans la communication. Nous devons désormais gérer un groupe de 150 à 200 femmes qui refusent de monter dans les bus autres que ceux qui partent vers l’Angleterre. Elles sont en colère. Elles ne veulent pas entendre parler des CAO français (ndlr : centre d’accueil et d’orientation de la filière de l’asile en France). Le risque de violences est grand !
Ne l’était-il pas quoi qu’il arrive ?
Au départ, la logique qui prévalait était de laisser en place la structure de Jules Ferry et du CAP avec ses containers pour 1500 personnes. (Ndlr : le CAP est le centre d’accueil provisoire qui dépend du centre Jules Ferry qui sert des repas chauds, met à l’abri les femmes et offre des soins d’urgence). Car des migrants vont continuer à arriver et Calais reste la ville la plus proche de l’Angleterre. Depuis 15 jours, on nous dit que le maintien de ces structures est en arbitrage. La confusion règne. Avec les risques de violences accrus.
Des violences ont déjà lieu ?
Et elles vont aller crescendo. Le premier jour, les 2000 premiers migrants étaient prêts au départ. Le deuxième jour, il y avait déjà moins de monde : environ 1500 selon les chiffres. Mais aujourd’hui, au troisième jour, ceux qui restent sont prêts au rapport de force. D’ailleurs, ça brûle de partout et on sent l’air chargé d’agressivité.
Que peut-il se passer dans ces conditions ?
Le président de la république a dit que le bidonville de Calais serait fermé d’ici à la fin de l’année. Que tout allait disparaître. Il veut aller vite. Selon moi, il reste au moins 3000 personnes sur le camp. Dans tous les cas, beaucoup plus que ceux annoncés par la préfecture. Pour évacuer un nombre aussi important de personnes qui ne veulent pas s’en aller, cela ne peut passer que par des affrontements avec les CRS. Je crains que la nuit prochaine soit très troublée ! Et tout va recommencer ailleurs comme avec le démantèlement du camp de Sangatte il y a 12 ans.
On sent une certaine abattement dans vos propos ?
Oui, c’est un recommencement. Des gens ont quitté le camp depuis quelques jours pour aller se cacher on ne sait où. Par contre, on sait qu’ils vont refaire surface dès que les CRS seront moins nombreux. Ils sont partis parce qu’ils ne font pas confiance aux autorités françaises. Et ils ne veulent pas être présents et prendre des coups quand ça va dégénérer. La situation est très tendue.