Dix mille personnes, selon la police, dix fois plus selon les organisateurs, ont manifesté samedi à Ouagadougou pour protester contre une modification de la Constitution qui permettrait au président Blaise Compaoré de se présenter en 2015 pour un troisième quinquennat.
L’opposition, qui a organisé ces marches, dénombre des dizaines de milliers d’autres manifestants dans les autres grandes villes du pays, dont 30 000 à Bobo Dioulasso (Sud) et 15 000 à Koudougou (Nord) en cette journée de protestation nationale.
Dans la capitale, le cortège a avancé sous une pluie fine mais dans le calme, encadré par un cordon policier, autour de la principale place de Ouagadougou, la place de la Nation.
"L’alternance ou la mort. Nous vaincrons !, On est fatigués du pouvoir de Compaoré !", ou encore "Carton rouge au Sénat et à la modification de l’article 37 de la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels", scandaient les manifestants.
L’opposition burkinabé a accusé, à la mi-décembre 2013, M. Compaoré de préparer un coup d’État constitutionnel après son annonce, quelques jours auparavant, d’un référendum pour modifier l’article 37 de la Constitution.
Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir en 1987 par un coup d’État, a effectué deux septennats (1991 et 1998), avant qu’un amendement modifiant la durée du mandat présidentiel ne lui permette d’être élu pour deux quinquennats (2005 et 2010).
A la tête du Burkina Faso depuis 26 ans, le président se montre très flou quant à sa volonté de se présenter une nouvelle fois à la charge suprême.
"Compaoré doit partir. J’ai 26 ans et je n’ai connu qu’un seul président. Ce n’est pas normal," s’est indignée Reine Kaboré, une étudiante.
Ailleurs, des pancartes proclamaient que 2015 était le terminus pour Blaise Compaoré.
"Trop c’est trop ! On n’est pas contre Blaise Compaoré mais contre la patrimonialisation du pouvoir", s’est écrié Ousmane Sawadogo, un commerçant âgé d’une trentaine d’années vêtu d’un t-shirt portant l’inscription "Non au Sénat".
L’opposition, la société civile et les syndicats sont complètement hostiles à l’installation de cette chambre haute, dont la mise en place a été confirmée en décembre par Blaise Compaoré, soupçonnant le président, par son entremise, de modifier plus facilement l’article 37.
Le chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, a affirmé : "la victoire est proche grâce à la mobilisation historique de samedi".
"Nous ne voulons pas d’un pouvoir à vie. Sur cette question, notre position ne changera jamais, c’est non, non et non !", a-t-il harangué.
"Il faut que Blaise Compaoré sache que le Burkina n’est pas un royaume ou on meurt au pouvoir. C’est une république où les hommes passent et les institutions demeurent", a poursuivi M. Diabré.
L’ex-chef du parti présidentiel et ancien président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré, et l’ancien maire de Ouagadougou (1995-2012), Simon Compaoré, membres fondateurs du CDP (le Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti de M. Compaoré), dont ils ont démissionné début janvier, faisaient partie des manifestants.