Stupéfiant, hallucinant, horripilant, rageant, espiègle, dérangeant, bluffant, les qualificatifs nous manquent pour qualifier l’inqualifiable action des supporters du club de foot transalpin de la Lazio de Rome. Ils ont osé, oui, 80 ans et quelques après la Shoah (tout dépend à partir de quel moment on la fait commencer ou finir), coller le portrait de la victime-symbole des nazis Anne Frank sur le maillot de leurs ennemis de la Roma ! On attend la réaction violente des associations communautaires françaises, qui ne devrait pas tarder. Ça va faire du tintouin !
- Franchement c’est pas très malin de faire ça
Comment peut-on jouer avec le visage de la Victime mondiale (et un peu mondialiste) qu’est devenue la jeune juive d’Amsterdam ? Comment peut-on à ce point désacraliser la souffrance de toute une communauté ? Comment peut-on placer des autocollants dans les tribunes des supporters ennemis sans se faire repérer ? Les mots nous manquent, il n’existe pas dans le code pénal italien de peine assez lourde pour ces supporters indignes du football, indignes de la Shoah.
Carton rouge pour une étoile jaune
En Italie, les rivalités entre clubs d’une même ville sont traditionnelles et violentes. Il n’y a qu’en France qu’on ne compte pas deux grands clubs dans les grandes villes du pays. En Allemagne – le pays maudit à cause de cette satanée Shoah – on a le Bayern Munich et le Munich 1860, l’Eintracht et le FC Frankfurt, le FC et le Herta Berlin (oui comme les saucisses), en Italie l’Inter et le Milan AC, la Lazio et l’AS Roma, en Espagne, l’Atlético et le Real de Madrid, le FC et l’Espanol Barcelone, le Bétis et le FC Séville, mais l’Angleterre éclate tout le monde avec pas moins de 7 grands clubs à Londres : Arsenal, Chelsea, Tottenham, Crystal Palace, West Ham, Fulham, Queens Park Rangers et le pire de tous, nul en foot mais super bon à la baston, Millwall. Millwall, la légende des hooligans.
Bon, ne nous perdons pas dans cette déviation glissante, il s’agit d’Anne Frank, la figure incontournable et intouchable de la littérature juive européenne des années 40.
Les autorités ont donc trouvé dans le stade olympique, le Stadio Olympico, des stickers d’Anne qui porte un maillot de l’AS Roma, dit aussi la Louve. La louve romaine, pas la Frank. C’est lors d’un match contre Cagliari que les Laziale du virage Sud ont collé ce sticker un peu partout, sachant que leurs ennemis allaient occuper ce même virage le dimanche suivant... Une provocation terrible ! Associer les supporters ennemis à Anne Frank, serait-ce les traiter de « fiottes », avec tout le respect qu’on doit aux personnes LGBT-transbi et compagnie ? Mais on peut se tromper. Qui peut se targuer de savoir ce qui se passe dans le cerveau complexe d’un supporter ?
En conséquence on ne comprend pas bien pourquoi c’est honteux d’avoir Anne Frank sur son maillot, Anne étant une figure du Bien, peut-être même LA figure du Bien. Mais c’est mal connaître la nature nauséabonde des supporters laziale, qui ont longtemps chanté la gloire de leur héros, le capitaine emblématique de leur équipe, Paolo Di Canio, qui avait salué le virage Nord (on va pas entrer dans les détails de l’histoire Nord/Sud) d’un bras tendu qui rappelait furieusement la quenelle du Duce.
- Ce n’est pas ce que l’on croit : Paolo vient de lancer son maillot dans le virage Sud du Stadio Olympico de la main droite
Toute la gauchosphère franco-italienne avait poussé de hauts cris, à l’image du présentateur de Canal Plus Thomas Thouroude (le 23 avril 2013), lors d’une énième récidive de Paolo :
« Mais le gros souci, c’est que Paolo est aussi le genre de gars pas kiffant du tout. Un homme qui par le passé a clamé ses sympathies fascistes avant de se rétracter ces derniers temps. Di Canio a quand même été vu à l’enterrement d’une figure de l’extrême droite italienne. Il arbore aussi un tatouage à la gloire du Duce Mussolini, le genre de gars qu’on aimerait adorer sauf qu’en fait, on peut pas. »
Mais Di Canio n’avait pas craqué sous la torture médiatique (même s’il avait déjà été obligé 7 ans plus tôt de rencontrer des rescapés juifs des camps) : « Je suis fier de pouvoir compter sur des gens comme ceux-là et je continuerai à les saluer de la sorte ». Quel culot ! Le plus drôle dans cette affaire, c’est la réaction de Sandro Curzi, communiste et ex-présentateur du JT de la Rai, en janvier 2005, lors du premier « salut romain » de Paolo :
« Il a marqué un beau but hier soir, moi j’ai combattu les fascistes, je leur ai tiré dessus et pourtant, j’ai applaudi Di Canio quand il a marqué »
Sandro avait accordé l’absolution à Paolo parce que c’était un grand joueur, fier de ses couleurs, un respect qu’on apprécie grandement en Italie. Là-bas, les joueurs ne changent pas de club comme on change de slip, ce qui est le cas de la France. Chez nous, il n’y a plus de respect, plus de valeurs, seulement la logique du fric qui envoie les joueurs de droite à gauche sans considération pour les supporters, les villes, le pays. Un joueur italien fait ça, il ne revoit plus sa terre natale...
Penalty contre les supporters de la Lazio
Revenons au présent avec l’horrible maillot d’Anne Frank. Aussitôt, qui est monté au créneau ? On vous le donne en mille (prononcez « milé ») : la puissante communauté juive romaine avec un « ça, ce n’est pas du football, ce n’est pas du sport ». Ça va, c’est moins pire que chez nous. Si les supporters du PSG avaient commis le même blasphème, ils auraient été fusillés sur place par un peloton d’exécution du CRIF, et sans plaque commémorative en cuivre. Donc ouf. Ceci dit, Francetvinfo a cité le tweet de la présidente de la communauté juive de Rome :
« Sortez l’antisémitisme des stades ! »
OK mais on le remplace par qui ? Trêve de plaisanterie (c’est encore autorisé, donc on en profite), le ministre des Sports Luca Lotti a surenchéri, jouant probablement sa place, ou sa peau :
« Ce qu’il s’est passé est très grave, il n’y a aucune justification possible. Ces actes doivent être condamnés sans réserve. Je suis certain que les autorités compétentes vont trouver ce qu’il s’est passé et que les coupables seront identifiés et sanctionnés rapidement. »
On croirait entendre nos ministres de l’Intérieur successifs à chaque fois qu’un cambriolage a lieu dans la Communauté ! Imaginez que les bureaux de la LICRA soient cambriolés… Là c’est toute la nation qui passe à la fouille ! 66 millions de suspects ! Avec la sortie de Luca Lotti on a compris que la blagounette des Laziale ne faisait plus rire personne en haut lieu.
Le derby romain aura lieu dimanche 18 novembre 2017. Ouvrez grand vos yeux, il risque d’y avoir un « tiffo » qui va marquer l’histoire de la Série A…
Dernière minute
Le journal Le Monde en ligne a publié ce paragraphe à 20h49 ce mardi 24 octobre 2017 :
« Trois ultras de la Lazio, reconnus grâce aux caméras de surveillance, ont été identifiés mardi. La fédération italienne de football a décidé qu’une minute de silence serait observée dans les stades avant les matches de la prochaine journée et qu’un passage du Journal d’Anne Frank serait lu afin de dénoncer les actes des supporters de la Lazio de Rome. Pour la fédération, il est nécessaire de “condamner ces récents épisodes d’antisémitisme et de se souvenir de l’Holocauste”. »