On connaît mieux aujourd’hui les véritables commanditaires de la vague de terrorisme qui ensanglanta l’Italie à la fin des années 70 et au début des années 80. D’abord attribué à une organisation d’extrême gauche nommée « les brigades rouges », l’enquête minutieuse réalisée suite à l’attentat perpétré à la gare de Bologne le 2 août 1980 (85 morts et plus de 200 blessés) a permis de mettre à jour la responsabilité d’un réseau regroupant des individus des milieux d’extrême droite, maçonniques, proches du pouvoir, ainsi que celle d’officiers des services secrets. Il apparut plus tard que tout ceci faisait partie d’un vaste réseau de déstabilisation organisé par les États-Unis et le Royaume-Uni via le réseau Gladio de l’OTAN. Cette « stratégie de la tension » ne se limita pas à l’Italie puisqu’à la même époque, la Belgique connut elle aussi, sous une autre forme, ses « années de plomb ».
Au début des années 80, la Belgique connut une vague de crimes sans précédent. De 1982 à 1986, une série d’attaques à main armée, de braquages et d’assassinats, faisant au total 55 morts, mit en échec les forces de l’ordre. La presse finit par surnommer ces criminels insaisissables « les tueurs fous du Brabant ».
Dans un livre déjà paru en Belgique sous le titre Tuerie du Brabant. Le dossier, le complot, les noms et à paraître prochainement en France sous l’intitulé La CIA frappe au cœur de l’Europe, le journaliste d’investigation Guy Bouten démonte pièce par pièce ce réseau complexe, mêlant grand banditisme, cellules parallèles des services de renseignements, milices privées, magistrature, gendarmerie, police, pouvoir politique, pouvoir judiciaire et groupes extrémistes, dans un cocktail des plus explosifs qui ensanglanta la Belgique des années 80.
Selon l’enquête de Guy Bouten, l’affaire des Tueurs fous du Brabant serait le résultat de l’interpénétration de plusieurs cercles aux intérêts distincts, mais qui ont convergé à un moment clé de l’histoire de la Belgique. Cet ensemble était formé de commanditaires, provenant de deux milieux hétérogènes mais néanmoins solidaires : les services de renseignement américain (CIA, militaires US au sein du Shape), alliés à certaines figures très conservatrices des cercles politiques et d’affaires belges.
Guy Bouten souligne le rôle important au niveau idéologique joué à cette époque par la World Anticommunist League (WACL), ainsi que la secte sud-coréenne Moon, qui inspiraient et finançaient la guerre contre le communisme puisqu’il s’agissait de leur fond de commerce. Ce que voulaient tous ces commanditaires était un durcissement net du régime en Belgique, un virage à droite avec un renforcement avéré des organes de sécurité, en particulier la gendarmerie et l’armée. Comme ce fut le cas en Italie, les États-Unis percevaient la Belgique comme un allié bien trop mou, perméable et fragile, surtout si les institutions du pays devenaient la cible d’un complot organisé par Moscou. La Belgique étant le centre névralgique de l’Union Européenne et de l’OTAN…
Tueries du Brabant - Guy Bouten (Editions de l’Arbre)
Jean Marie