C’est un des défauts constitutifs, pour ne pas dire congénitaux, de la pensée gauchiste ou tout au moins – parce qu’on est ici juste un cran au-dessus – de la pensée d’une gauche de surface : elle n’entre jamais dans le dur. Comme disait il y a 12 ans déjà Alain Soral à Pascal Boniface après que celui-ci eut fait un long monologue sur la liberté d’expression : « J’applaudis à deux mains à tout ce qu’a dit M. Boniface, à cette petite nuance près qu’il n’a rien dit ». (Source en bas d’article, vidéo 1, à partir de 15’15)
Pour Barbara Stiegler, fille de son père, la Pandémie est comme un territoire (d’où la majuscule), c’est un « nouveau continent mental ». Le Covid en lui-même est une pandémie dans sa dissémination, mais est surtout révélateur du vieillissement des populations occidentales et des polypathologies (sédentarité, stress, etc.) des pays riches. On ne saurait lui donner tort. Jusqu’ici on applaudit donc encore des deux mains.
Mais rapidement arrive le dur du sujet, et c’est Ruffin qui le lance en citant Samuel Huntington : face aux peuples qui, en démocratie, prendraient un peu trop leurs aises, « il faut instaurer de l’apathie politique ». Mais, immédiatement, le député de La France (in)soumise, précise en se ravisant presque : « c’est l’occasion qui fait le larron ». Ouf, on n’est pas passé loin du complotisme !
Barbara Stiegler, sparring partner d’un piano à 4 mains bien accordé, renchérit : « le complotisme, c’est l’idée d’un objet omniscient et omnipotent qui aurait tout prévu comme un extraordinaire joueur d’échec ». François Ruffin la coupe et revient sur sa lubie : « Mais si on dit "l’occasion fait le larron", y a pas de complot ! ». L’honneur sera sauf. Mais probablement pas la vérité.
Barbara Stiegler ne voit donc absolument aucun complot : il faut faire des « distinctions fines entre plan, stratégie, complot, entêtement, effet d’aubaine, opportunisme, etc. » . Pour la philosophe, « ce n’est absolument pas un grand complot c’est un pouvoir dans le déni » (le virus gêne le pouvoir car cela entraînerait par exemple la fermeture des frontières ce qui s’oppose aux politiques libérales), « puis la panique » (les gouvernants changent d’avis toutes les heures), « un entêtement » (il faut supprimer des lits et on poursuit cette politique malgré tout) « et dans cet entêtement, on trouve des effets d’aubaine » (comme le déploiement de la numérisation). La philosophe est donc catégorique : « Il n’y a pas de complot c’est un fantasme infantile ! ».
Ruffin confirme dans un élan presque hégélien : « Il y a des idées qui sont là et qui trouvent leur voie d’accomplissement ». Ce n’est pas faux, mais éliminer systématiquement tout complot c’est aussi – nous reprenons ici les mots même de Barbara – un fantasme infantile !
Et ce fantasme infantile, ils vont pourtant bien tomber dedans mais sans avoir l’air d’y toucher, bien sûr.
Ainsi, Barbara nous explique comment Macron a recruté deux nudge units (Théorie du nudge , sorte de coup de coude donné aux populations pour leur faire adopter des comportements infraconscients, mais pour leur "bien"). Pendant ce temps, les experts scientifiques ont été mis de côté sciemment et on a fabriqué le conseil scientifique. C’est cela l’économie comportementale : les gens sont irrationnels, notre cerveau est un cerveau préhistorique peu adapté à la modernité, il faut donc que l’économie libérale façonne les individus. C’est pourquoi aujourd’hui les néolibéraux pensent qu’il faut que les choses viennent d’en haut, d’où le retour de l’Etat car il faut prendre en main les comportements des gens.
Habituellement, le nudge est doux, mais là c’est matiné de repression, nous précise la philosophe. On fabrique un environnement, policier, on y ajoute de l’auto-surveillance (attestation de déplacement, par exemple), on effraye les population qui ont peur de devenir de véritables bombes humaines pour les autres, en particulier les personnes âgées ou fragiles.
Aussi, en quelques minutes, nos deux penseurs Ruffin et Stiegler ont dressé le tableau d’un projet précis et méthodiquement pensé. Ce que l’on appellerait un complot, en quelque sorte.
Bref, la vidéo est à visionner pour quelques passages intéressants mais qui ne sauveront pas l’essentiel. On y trouvera aucune référence aux oppositions de taille – bien davantage que la gauche politique, totalement absente dans cette crise – que constituent des lanceurs d’alerte comme les Pr Raoult, Perronne, Toussaint, etc. De même, nos intervenants ne font aucune référence, ou presque, aux possibilités de prévention mais aussi de traitements. Or, le silence assourdissant autour de ses deux pans principaux de la médecine démontre que l’on fabrique une autoroute vers le vaccin – après avoir tenté de nous vendre un Remdesivir inutile et créant même des variants.
Toute cette crise sanitaire du Covid procède donc d’un grand bazar ambiant dans lequel s’infiltrent de nombreux intérêts divers, dont un plan général. Et chacun de ces intérêts complotent à leur profit, et le plan général se construit. Ce n’est pas délirant de le penser. C’est en revanche délirant de le nier ou, pire, de passer une heure à discuter sans même l’aborder.
Historique exercice d’analyse sérieuse face à une pensée de surface, en 4 mouvements (Alain Soral, archive – 2009) :