L’historien et journaliste monarchiste avait tout pour lui : lucidité, brio, maîtrise de tous les genres. Pourtant, ses analyses et son talent sont passés à la trappe. Une réédition de ses oeuvres lui rend justice.
Le 14 novembre 1918, alors que les Français en liesse célèbrent l’armistice signé par l’Allemagne du Kaiser, un mauvais coucheur leur prodigue une douche froide dans les colonnes de L’Action française : "Devant quoi la France, au sortir de la grande joie de sa victoire, risque-t-elle de se réveiller ? Devant une République allemande, une république sociale-nationale supérieurement organisée et qui, de toute façon, sera deux fois plus peuplée que notre pays." Cet empêcheur de penser en rond s’appelle Jacques Bainville (1879-1936). Journaliste et historien brillant, auteur d’un best-seller, une Histoire de France (1924), vendu à 300 000 exemplaires en vingt ans, et sans cesse réédité, et d’une trentaine de livres, il est aujourd’hui largement oublié. Comment Clio a-t-elle pu passer à la trappe l’un de ses meilleurs rejetons.
Sans doute la "question allemande", son cher souci, n’est-elle plus d’actualité. Pour cette génération née dans la foulée de la défaite de Sedan, aux premières loges de la Grande Guerre, et souvent de la Seconde Guerre mondiale, l’obsession rhénane est envahissante à un point inimaginable aujourd’hui. "C’est l’existence d’une puissante Allemagne qui empoisonne toute vie européenne", note une fois pour toutes Bainville. Pourtant l’homme n’a rien d’un germanophobe. Le mot "boche" est étranger à son registre. Jeune homme, il a une passion pour la littérature allemande, en particulier pour l’oeuvre d’Heinrich Heine. Ses séjours répétés à Francfort, Berlin et Munich égrènent son grand Tour. Germaniste accompli, il en revient avec la double conviction de la nécessaire réconciliation entre Français et Allemands et de la supériorité de la monarchie, capable, de l’autre côté du Rhin, d’assurer continuité et stabilité politiques, deux qualités qu’il dénie à la IIIe République.
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