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Bahreïn : Les dessous de l’intervention saoudienne

Selon notre source, un ressortissant arabe vivant en France et entretenant des liens avec la famille royale des Saoud au pouvoir en Arabie depuis plus d’un siècle et demi, le règne du roi Abdallah s’est caractérisé à ses débuts par une ouverture à l’égard de toutes les composantes de la société saoudienne, dont entre autre la communauté chiite qui représente 10% de la population.

Le proche conseiller du roi, Abdel Aziz Touwayjiri, s’était chargé en personne d’ouvrir des liens avec cette communauté, persuadant certaines de ses figures en exil de rentrer au royaume.

Notre source rapporte la teneur d’un dialogue entre l’une de ces personnalités et le souverain saoudien en personne, et qui s’était tenu dans le palais de ce dernier.

« Le roi a entamé la discussion en demandant à ses hôtes ce qu’ils voulaient, en allusion aux sommes d’argent qu’il offre généralement à ses invités. Mais les visiteurs chiites assurèrent ne rien vouloir de cela. Lorsque le roi réitéra la demande, un des hôtes s’approcha de lui, tenant dans les mains un livre scolaire enseigné dans les écoles primaires saoudiennes.

"Regardez votre majesté, ce qu’enseignent ces livres sur les chiites. Comment construire une patrie avec une telle incitation ? On apprend à nos enfants des textes qui les répudient et les traitent de tous les noms et les placent dans un statut inférieur aux autres. Ils étudient dans des livres officiels qui préparent la discorde et la zizanie".

Selon la source arabe, le roi saoudien a affiché son étonnement de la présence d’un tel livre, et a assuré ne pas être au courant d’une telle incitation confessionnelle dans les programmes scolaires saoudiens, s’engageant à œuvrer pour éliminer immédiatement ces textes, et à entamer des réformes législatives. Aujourd’hui, plusieurs années après cette rencontre, ces engagements sont restés lettres mortes.

Rivalités intestines, maladies et guerres

Depuis le début de son règne, le souverain saoudien est en proie à un conflit interne entre lui et une autre branche de sa famille : celle de ses six frères, nés d’une autre mère, et connus sous l’appellation « les frères Sadiristes ».

Ce conflit s’est exacerbé depuis que le roi Abdallah a instauré un nouveau mécanisme pour désigner le prince héritier et qui devrait entrer en vigueur avec son successeur, le prince héritier Sultane Ben Abdel Aziz. Jusque là le critère adopté était celui de l’âge, le pouvoir étant relégué au frère le plus aîné.

En fonction du nouveau système, le prince héritier se doit d’être désigné par le conseil familial des Saoud.

Cette mesure n’a pas manqué de léser plus d’un chez la branche des Sadiristes, et en particulier le ministre de l’intérieur le prince Nayef Ben Abdel Aziz qui voyait s’amenuiser ses chances d’intronisation.

Jouissant du soutien de l’institution religieuse wahhabite, il obtint d’elle la promulgation de décrets répudiant les autres communautés musulmanes et tous les opposants qui revendiquent des réformes politiques.

Il entama de violentes campagnes sécuritaires dans la région de Najarane, habitée par la communauté des Ismaélites, et dont les manifestations furent réprimées dans le sang.

Le roi Abdallah réagit en révoquant le prince de Najarane, le prince Turki AlFayçal, également de la branche des Sadiristes, pour le remplacer par son fils Méchaal. La vengeance des frères Sadiristes fut perpétré contre les pèlerins chiites qui effectuaient leur ‘imra (un pèlerinage des lieux saints en dehors de la saison du pèlerinage à Zi-l-hijja)

La maladie du prince héritier et ministre de la défense, son hospitalisation aux États-Unis et sa longue convalescence au Maroc ont transféré le conflit au sein des Sadiristes eux-mêmes, vu que la prise de décision se faisait entre le souverain et le ministre de l’intérieur Nayef.

Yémen : la guerre de Khaled

Ce qui suscita les craintes chez les fils de Sultane de voir Nayef lui succéder après sa mort. Raison pour laquelle l’un de ses fils, le prince Khaled Ben Sultane, vice-ministre de la défense et commandant des forces aériennes prit la décision de s’ingérer au Yémen et dans sa guerre.

Il pensait offrir à son père une victoire rapide contre les Houthistes pour consolider la position de son père. Mais c’est le contraire qui a eu lieu, en raison de la longueur du conflit qui a dévoilé l’affaissement de l’armée saoudienne malgré les armes qu’elle possède et son coût onéreux estimé à des centaines de milliards de dollars durant ces deux dernières décennies.

Khaled fut abandonné à son sort par le roi Abdallah, qui a laissé l’armée s’enliser dans le conflit yéménite, s’abstenant de l’assister en lui envoyant un contingent de la garde nationale qu’il détient et qui compte près de 360.000 hommes, (des membres de la famille Shoumar de sa mère).

Force est de constater que ce n’est que trois mois après l’éclatement du conflit qu’il s’est rendu au front, dans une région qui se trouve à près de 150 Km de la frontière.

Comme la défaite de l’armée a affaibli la position saoudienne au sein du monde arabe, le roi Abdallah a décidé de dépêcher son fils Abdel Aziz en Syrie, a renforcé son emprise sur la situation interne en écartant le ministre de l’intérieur, et s’est emparé de certains volets de la politique étrangère, longtemps entre les mains su prince Saoud AlFayçal.

Bahreïn : la bataille de Nayef

Selon des sources françaises, la situation actuelle du souverain s’apparente à celle de son prince héritier. Durant sa maladie et sa longue convalescence, c’est le ministre de l’intérieur qui a pris sa relève. Comme s’il voulait montrer la preuve qu’il a toutes les compétences pour prendre le pouvoir en cas de vacance.

Durant ces derniers mois a été observée une intensification de l’action de l’institution religieuse salafiste proche de Nayef. Alors que Nayef œuvrait pour équiper les unités spéciales du ministère de l’intérieur, baptisées « les aigles de Nayef ».

Des sources françaises assurent que ce sont elles qui ont été envoyées à Bahreïn, sous la couverture du Bouclier de la Péninsule, pour réprimer l’opposition qui exige des réformes politiques.

Les bruits courent dans les milieux français que c’est bien le prince Nayef qui a imposé l’intervention saoudienne à Bahreïn. C’est lui qui en aurait convaincu le secrétaire d’état à la défense américain Robert Gates, lui assurant qu’il n’attendra en aucun cas le renversement du régime saoudien à l’instar de celui de Hosni Moubarak en Égypte. Il l’aurait même menacé de faire face aux pressions américaines en recourant à l’institution religieuse wahhabite.

Selon certains analystes, la désignation de Nayef au poste de vice-Premier ministre en 2009 est une mesure décisive qui l’approche plus que jamais du trône.

Reste à voir si sa stratégie à Bahreïn sera couronnée par le succès nécessaire pour qu’il soit lui-même couronné. Ou aura-t-il un sort similaire au vice-ministre de la défense Khaled Ben Sultane , noyé dans les sables yéménites. L’affaire est à suivre.