La possibilité d’une accession d’Ayelet Shaked, ministre de la Justice, au poste de Premier ministre d’Israël commence à faire du bruit dans les médias israéliens. Prévues initialement en novembre 2019, les élections pourraient se voir avancées bien avant cette date. Shaked, une « juive séculaire nationaliste » de 40 ans, « très populaire chez les juifs orthodoxes » selon le journal Haaretz, pourrait alors concurrencer notamment l’actuel ministre de l’Éducation Naftali Bennett et lui ravir la place de Benjamin Netanyahou. Qui est Ayelet Shaked et quelle serait sa politique à la tête de l’entité sioniste ? Quelques éléments de réponse avec cet article de Jacques Benillouche publié le 10 août dernier.
Ayelet Shaked rêve d’être la nouvelle Golda Meir
Les rumeurs d’élections anticipées persistent à l’heure où une minorité pense que Benjamin Netanyahou a fait son temps. Avec les affaires judiciaires et les appétits politiques, la classe politique songe à une nouvelle gouvernance. C’est le moment où la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, se prépare à engager le combat pour convaincre.
Depuis Golda Meir, aucune femme n’a atteint le poste de Premier ministre. Elle est tellement convaincue d’y arriver qu’elle a la prétention de pouvoir coiffer au poteau le leader de son parti, le ministre de l’éducation Naftali Bennett que Benjamin Netanyahou a placé à ce poste pour mieux le neutraliser.
Elle n’a aucun scrupule vis-à-vis de son leader de parti qui semble actuellement sur la touche. À chacun sa chance. Un sondage du site Walla la place d’ailleurs en seconde position des femmes, juste après Tsipi Livni.
L’ambition de Shaked est immense et pour cela, tous les moyens sont bons, même s’il a fallu, pour une laïque, militer au sein d’un parti religieux, certes sioniste. Mais malgré sa popularité au sein des milieux d’extrême droite, elle devra surmonter de nombreux obstacles avant d’arriver au poste suprême.
Il est certain qu’elle n’avance pas masquée et qu’elle ne cache pas ses ambitions politiques puisque le 6 mars 2017, à l’occasion d’une manifestation pour la Journée internationale de la femme, elle avait ouvertement révélé son intérêt pour le poste.
Dans un article dans le journal Hashiloah, « Pathways to Governability », elle avait exposé son credo personnel, à savoir sa vision cohérente du monde conservateur traduisant sa façon de renforcer le caractère juif d’Israël. Il s’agissait d’un document presque académique dont le message paraissait compliqué pour des politiciens de base peu évolués.
En qualifiant ce document de « manifeste thatchérien », elle avait déclenché une tempête politique car elle écornait l’idée sioniste historique d’Israël concernant la notion d’État juif et démocratique. Elle avait créé le débat car elle avait réussi à aborder toutes les questions civiles, judiciaires et politiques.
Shaked est de la nouvelle race des politiques qui savent exploiter la force des réseaux sociaux. Elle y est en permanence présente. Elle voudrait, sans aucun complexe et en l’absence d’une Constitution formelle, que son document serve de boussole morale, éthique et civile pour le pays.
Mais pour elle, les notions « d’État juif et d’État démocratique » sont à égalité dans la hiérarchie des valeurs. Elle a évolué au contact des sionistes religieux puisqu’elle a adopté leur concept qu’Israël sera un État véritablement démocratique si c’est un État juif : « Je crois que nous serons un État plus démocratique, plus nous serons un État juif, et nous serons un État plus juif, plus nous devenons démocratiques. »
Shaked se présente donc comme la pionnière d’une nouvelle vision de la droite qui défie pour certains la démocratie israélienne. En cela, elle se distingue de Tsipi Livni qui estime impossible de préserver à la fois le caractère juif et démocratique d’Israël sans avoir d’abord obtenu une solution diplomatique au conflit : « C’est pourquoi nous devons abandonner une partie de la terre et des moyens avec les Palestiniens. Si nous ne le faisons pas, ils voteront aux élections à la Knesset et deviendront la majorité. »