Depuis quelques jours, cette affaire prend des proportions irrationnelles. Acte 1 : les jeunes catholiques politiques du mouvement Civitas, désireux de "rechristianiser la France", lancent sur Internet une pétition pour qu’une oeuvre d’art, "Immersions" (Piss Christ), soit retirée de la Collection Lambert, le musée d’art contemporain d’Avignon.
Acte 2 : Monseigneur Cattenoz, évêque d’Avignon, leur emboîte le pas via un communiqué : "Devant le côté odieux de ce cliché qui bafoue l’image du Christ sur la croix, je me dois de réagir".
Acte 3 : à la communication de la Collection Lambert, on explique qu’"il n’est pas question de retirer la photo, qui a été offerte par l’artiste au musée à l’automne dernier, et qui fera partie de l’expo "Je crois aux miracles", comme prévu, jusqu’au 8 mai."
À l’origine de cette histoire qui prend des allures d’affaires d’État avec un retard ubuesque (l’expo, déjà vue par 8000 visiteurs, est visible depuis le 12 décembre), une photographie d’un mètre de haut, exposée pour les 10 ans de la Collection Lambert, et intitulée "Immersions" (Piss Christ). Ce qui fait réagir fortissimo ? On y voit un Jésus sur la croix, immergé dans de l’urine. Depuis 1987, l’oeuvre dérange, fascine et suscite des colères extraverties : aux États-Unis, de prime abord, puis en Australie, où l’un des tirages de la photo sera même détruit ! Mais ce que peu des détracteurs d’Andres Serrano savent, c’est que l’artiste américain, âgé de 50 ans, est... chrétien.
Dans une interview au High performance magazine paru il y a quelques années, Andres Serrano expliquait : "Mon travail est religieux et pas sacrilège(...) J’explore mes propres obsessions catholiques(...). Je considère que j’ai le droit d’utiliser les symboles de l’Église. Je ne suis pas un hérétique. J’aime penser que plutôt que de détruire des icônes, j’en fabrique de nouvelles". Dernier acte (provisoire d’entend) : la Collection Lambert vient d’enlever la bâche de quatre mètres sur trois représentant la photo incriminée et ornant la façade du musée, rue Violette. "Ça n’a rien à voir avec la polémique, elle était abîmée", indiquait-on hier à la Collection Lambert.