Nous mettons enligne, grâce à l’obligeance de notre commentateur Sélim, une version française et intégrale du désormais fameux rapport de la mission d’observation de la Ligue arabe, tel qu’il a été présenté, le 22 janvier au Caire, aux ministres de la Ligue qui l’ont approuvé, et immédiatement enterré sous l’insistante pression du Qatar et de l’Arabie séoudite, ainsi que des Euro-américains.
On comprend pourquoi ce rapport a été aussi vite classé, au point que peu de gens – et apparemment aucun journaliste français – en ont lu les différentes conclusions, quand on le consulte : une fois le préambule sur l’organisation juridique de la mission, on passe à un historique de la mise en place puis du déroulement de celle-ci : on y voit, sans langue de bois, les échanges entre al-Dabi et Wallid al-Mouallem, ministre syrien des Affaires étrangères, sur les difficultés auxquelles on doit s’attendre, le Soudanais estimant que la situation politiquement et militairement incertaine dans certains secteurs facilitant selon lui le contact avec les populations : comme quoi al-Dabi n’était pas la marionnette servile du pouvoir syrien qu’on a décrit.
Sans nous livrer à une exégèse exhaustive de ce long texte, on retiendra les points – 12 à 17 – consacrées à la visite d’al-Dabi et d’une première équipe d’observateurs à Homs, point chaud entre tous, le 27 décembre. Al-Dabi et ses collègues rencontrent d’abord le gouverneur. Qui leur fait un exposé, certes orienté, mais assez précis dirait-on quant au contexte, avec l’impossibilité de faire respecter la moindre trêve aux activistes, en dépit de démarches de dignitaires religieux et de notables locaux. Puis les membres de la mission se promènent dans quatre quartiers chauds de Homs – dont le fameux Bab Amr – sans escorte militaire, sur fond de tirs, et recueillent les doléances de partisans de l’opposition. Ils constatent aussi d’importants dégâts matériels.
A partir de là al-Dabi et ses collaborateurs jouent les diplomates, obtenant des autorités et des groupes armés une trêve qui permet de ramasser les morts et les blessés des deux camps, et d’acheminer des vivres dans les zones contrôlées par les insurgés. Ils obtiennent aussi un retrait effectif des soldats et des blindés réguliers des quartiers affectés par les combats. Ensuite, al-Dabi recontre à Homs une personnalité de l’opposition. Tout ceci contribuant, selon le chef des observateurs, à un retour au calme – très provisoire.
En tout cas, une fois encore, cette relation montrer que la mission à Homs n’avait pas choisi de « dorer la pilule » du régime. Plus loin, elle signale – point 23 – que ses membres ont été pris à partie par des pro-Bachar à Lattaquié, suite à quoi, précise le rapport, Walid al-Mouallem a présenté ses excuses aux observateurs agressés et pris des mesures pour que de tels incidents ne se reproduisent pas.
Le crime de la mission al-Dabi
Oui mais voilà, le général al-Dabi et ses collègues vont franchir assez vite la ligne rouge du politiquement correct : ils ne peuvent faire autrement que constater que la violence, à Homs, Hama et Idleb notamment, « des actes de violence du fait des groupes armés contre les forces gouvernementales » qui font « des tués et des blessés » parmi celles-ci. Souvent, note le rapport, ce sont ces attaques des groupes armés qui suscitent la riposte des forces régulières. Cette violence de l’opposition frappe aussi des « citoyens ». Et des exemples d’attaques terroristes contre des autobus sont donnés ; le rapport précise que les activistes utilisent des armes performantes comme des « bombes thermiques » et des « missiles anti-blindage » (sans doute des roquettes RPG).
Et ce sont bien ces points 26 et 27 du rapport qui ont condamné celui-ci, et la mission avec, aux yeux des gouvernants qataris et séoudiens, d’Alain Juppé et d’Hillary Clinton : reconnaître et proclamer dans un document aussi attendu la responsabilité des opposants dans le climat de violence, c’était blasphémer aux yeux des Occidentaux et de leurs relais médiatiques.
D’autant qu’au point 29, la mission aggrave son cas en pointant les « exagérations médiatiques » relatives au nombre de victimes de la répression : là encore une hérésie pour les grands-prêtres politiques et médiatiques de la doxa politiquement correcte, qui ne jurent que par les statistiques de l’OSDH !
Ajoutons que le rapport confirme la libération de plus de 5 000 personnes arrêtées dans le cadre des troubles, que le pouvoir a autorisé la présence de nombreuses équipes de médias étrangers et l’on comprend bien qu’un tel texte était irrecevable de la part de ceux qui attendait de la mission une condamnation radicale supplémentaire du gouvernement syrien !
Louis Denghien
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