Dans les années 1990, sous la présidence d’Alberto Fujimori, une politique antinataliste délirante a provoqué la stérilisation forcée de plus de 300 000 femmes. Le Comité d’Amérique latine et des Caraïbes pour la défense des droits de la femme (Cladem) vient de déposer plainte devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
Paysannes des Andes péruviennes ou señoras des bidonvilles de Lima, elles sont 331 600 femmes à avoir été stérilisées de force à l’époque (1990-2000) où Alberto Fujimori présidait le pays. Ce chiffre sidérant avait été publié dans un « rapport final » du ministère de la Santé, dès 2002, mais l’affaire n’a véritablement éclaté que pendant la dernière campagne présidentielle. Elle a même contribué à la défaite de Keiko Fujimori, la fille de l’ancien président, le 5 juin. Alejandro Aguinaga, le ministre de la Santé de l’époque, admet que des « erreurs » ont été commises, mais refuse de reconnaître qu’il s’agissait d’une politique délibérée.
« plan de santé publique »
C’est pourtant bel et bien au nom d’un « plan de santé publique » que des médecins furent envoyés dans les campagnes péruviennes, entre 1995 et 2000. Avec un seul objectif : réduire le nombre des naissances. Ils promettaient de l’argent ou du riz, mais n’expliquaient pas à leurs « patientes » qu’elles ne pourraient plus jamais avoir d’enfants. Certaines venaient pour recevoir des soins et ressortaient avec les trompes ligaturées. Résultat : de nombreux maris abandonnèrent leur foyer, rejetant une épouse devenue stérile.
La vérité est que ces pratiques parfaitement scandaleuses entraient dans le cadre d’un programme de planification familiale prônant l’anticonception chirurgicale volontaire (AQV). C’était une réponse à une demande du FMI, qui jugeait indispensable une réduction du taux de natalité au Pérou. Résolu à réduire la pauvreté, Fujimori s’est donc lancé dans une politique antinataliste.
En vingt ans, seule une famille a été indemnisée, alors qu’elles sont près de deux mille à avoir porté plainte. Analphabètes pour la plupart, ces femmes avaient, à leur insu, signé une décharge autorisant les médecins à procéder à la ligature de leurs trompes. Le Comité d’Amérique latine et des Caraïbes pour la défense des droits de la femme (Cladem) vient de déposer plainte devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme.