Pas de routine, de bureau inconfortable, ni de trajets fastidieux. À la place, des voyages, de la découverte et de l’inattendu, le tout, en gagnant sa vie. Sillonner le monde en travaillant seulement grâce à une bonne connexion wifi, c’est le mode de vie choisi par de plus en plus de « nomades numériques », ces globe-trotters des temps modernes séduits par la flexibilité qu’offre le travail à distance. Pour 8e étage, 5 d’entre eux ont momentanément interrompu leurs périples, entre l’Albanie, la Colombie ou l’Espagne, pour brosser le portrait de leur mode de vie novateur.
Quand il a soumis sa thèse de doctorat, Dale, un Australien de 30 ans, était assis avec son ordinateur sur les genoux sur une plage de Byron Bay, près de Brisbane, à l’est de l’Australie. Il regardait son frère surfer les vagues de l’Océan Pacifique. Ces dernières années, ce chercheur de l’école de musique de l’Université du Queensland, actuellement basé à Berlin, est passé par une quinzaine de pays, dont le Portugal, le Brésil, les Etats-Unis, le Canada, la Chine, le Costa Rica, le Panama, la Colombie, le Zimbabwe, la Grèce, les Emirats Arabes Unis, avant d’atterrir en Allemagne.
Dale n’est pas millionnaire, ni même constamment en vacances. S’il a pu voir autant de pays, c’est parce qu’il a choisi la vie de nomade numérique — en anglais digital nomad —, c’est à dire une personne qui travaille tout en voyageant, et c’est là toute la beauté du concept. Ces nomades en question aiment à dire qu’ils gagnent leur vie en étant « géographiquement indépendant ». Une manière de financer un séjour, de s’affranchir des contraintes de bureau et, surtout, de jouir d’une flexibilité horaire inconnue des générations antérieures.
Le nomadisme numérique s’est développé massivement en parallèle de la révolution du même nom, à partir des années 1990. Internet n’a pas seulement bouleversé chaque détail de nos vies — notamment la manière dont on s’informe, communique, suit, surveille — il a également modifié en profondeur la façon dont on parcourt ce monde.
Tenter de recenser les nomades numériques dans le monde est peine perdue. Par définition, ils ne sont pas censés rester longtemps au même endroit. Il serait plus simple de chiffrer le nombre d’oiseaux dans une nuée en mouvement. Il existe cependant des centaines de blogs tenus par des nomades numériques, mais aussi un site : Nomad List, qui répertorie les meilleures villes pour travailler tout en étant touriste. Désormais considéré comme une référence dans le domaine, il compte plus de 3 000 membres. Les voyageurs les plus divers, et en provenance des quatre coins de la planète, viennent y échanger des informations, demander un conseil, ou se donner rendez-vous.
« Je voulais poursuivre ma carrière tout en voyageant. Je me suis dit que grâce à Internet, il était possible de faire les deux en même temps », explique Dale. « D’une certaine manière, on est toujours en vacances mais en même temps jamais en vacances », avoue depuis la capitale allemande celui qui exerce son métier de chercheur en médecine de la musique tout en voyageant.
« Tu te lèves quand tu veux, tu travailles quand tu veux. À partir du moment où tu fais ton travail en temps et en heure, tu peux prendre des vacances et des pauses quand tu veux ». Même si le travail reste toujours dans un coin de sa tête, le mode de vie de nomade numérique lui correspond à merveille. Les « escales », qu’il doit effectuer plus ou moins régulièrement pour retourner à son université australienne, lui semblent, elles, supportables. D’ailleurs, ses absences ne dérangent pas ses collègues non plus : « Ma responsable me comprend vraiment. Elle sait que je peux être productif dans quasiment n’importe quelle condition ».
De l’autre côté de l’Atlantique, Fabrice, un blogueur français de 37 ans qui a lancé le site Instinct Voyageur en 2010, évoque lui aussi la liberté et la créativité entourant ce mode de vie. Depuis 4 ans, il passe la majeure partie de l’année à voyager à l’étranger, surtout en Colombie, où il a un pied-à-terre. « Ça dépend où vous habitez, mais j’ai un peu plus cette impression de vacances parce qu’il s’agit d’un pays tropical. C’est une autre culture, une autre langue », explique-t-il.