Attention : certaines phrases peuvent émouvoir le lecteur.
Alors que beaucoup considèrent que le Journal d’Anne Frank entrera le 1er janvier dans le domaine public, le Fonds Anne Frank contre-attaque et menace ceux qui ont promis de le mettre en ligne.
L’histoire aurait pu être simple, relever de l’évidence, même. Nous aurions, dans deux jours, pu célébrer comme il se doit l’entrée du célèbre Journal d’Anne Frank dans le domaine public. Une occasion rêvée pour se remémorer l’importance de l’œuvre de la jeune diariste décédée en 1945 à Bergen-Belsen. Le droit d’auteur est ainsi fait que c’est le 1er janvier de chaque année que de nombreuses œuvres entrent – s’élèvent, insistent certains – dans le domaine public. Soixante-dix ans après la mort de l’auteur, ce qu’il a produit devient un bien commun et, à ce titre, personne n’a plus le droit de demander une contrepartie financière pour son utilisation ou sa diffusion. Ainsi, le 1er janvier 2016, pour les écrits de Paul Valéry, d’Adolf Hitler, de Franklin Roosevelt, et, donc, d’Anne Frank. Mais le Fonds Anne Frank, fondé en 1963 à Bâle par le père de la jeune fille, Otto Frank, et qui détient des droits patrimoniaux du Journal, n’est pas de cet avis et considère qu’aucune des deux versions qui existent (celle expurgée par son père publiée en 1947, et la version intégrale publiée en 1986) ne sera concernée par le domaine public en 2016. C’est là que ça se complique.
Début octobre, Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l’information connu pour son blog affordance.info, publie une lettre à Anne Frank dans laquelle il s’émeut avec des mots très justes qu’il faille « attendre un siècle après la mort d’une jeune femme juive de 16 ans dans un camp de concentration pour que son témoignage, son journal, son œuvre, puisse entrer dans le domaine public ». Il décide à la suite de ce texte de mettre en ligne les deux versions du texte, tout en sachant qu’il s’agissait alors d’un acte illégal. Son geste ne passe pas inaperçu (lire Libération du 8 octobre) et de nombreuses personnes lui emboîtent le pas et mettent aussi à disposition le texte sur leur site. Parmi elles, Isabelle Attard, députée Nouvelle Donne du Calvados. Un mois plus tard, suite à une mise en demeure du Livre de Poche, Olivier Ertzscheid retire les fichiers de son site : il s’agissait des versions en français qui restent protégées par le droit des traducteurs. Mais il maintient ses propos et assure, tout comme Isabelle Attard, qu’il mettra en ligne le texte en version originale néerlandaise le 1er janvier 2016.