La France compte d’innombrables dessinateurs, d’écoles publiques ou privées de dessin (sauf les Beaux-Arts, qui ont lâché l’affaire), de BD ou de graphisme, elle produit des artistes d’excellent niveau, mais à l’arrivée, dans l’entonnoir, tout cet ensemble finit en production culturelle de gauche. Vous avez dit monopole ? Vous avez dit censure ?
Pour qui connaît un peu le milieu, quand on fait du dessin, la totalité des éditeurs sont de gauche. Le Cherche midi a longtemps été le petit temple des dessinateurs d’humour, par exemple, mais uniquement dans la ligne gauchiste. Même aux éditions du Square, qui diffusaient les albums de l’équipe d’Hara-Kiri, on faisait globalement dans le gauchiste, sinon le communiste, par exemple avec Wolinski et Cabu, ces gros vendeurs.
À notre connaissance, les dessinateurs de droite ou d’extrême droite n’étaient pas invités au banquet, alors qu’il aurait pu y avoir une certaine confraternité. Pour des raison de partage du gâteau, cela n’a pas été le cas, et les dessinateurs non gauchistes de BD ou d’humour ont quasiment inexisté pour le grand public. A-t-on déjà vu une interview de Faizant, le père des droitistes, à la télé ? Ou aujourd’hui de Marsault ?
En conséquence de quoi, pour le grand public, le dessin de presse et la BD ne peuvent être que de gauche, pédagogiquement de gauche. Or, il y a actuellement des dessinateurs, grâce aux réseaux sociaux, qui ne font plus dans la gauche, mais cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont hitlériens dans l’âme. C’est pourtant le résultat maléfique de cette exclusion historique. Si vous n’êtes pas de gauche, alors vous être complotiste, raciste, dangereux pour les enfants et les grands.
Car la BD a longtemps été sévèrement contrôlée par l’État pour des raisons de protection de l’enfance (on rigole quand on sait où se nichaient les pédos d’en haut). Maintenant, ce n’est plus vraiment l’État qui fait ce job, mais le Système lui-même, on a abouti à de l’autocensure. Sans le Net et l’explosion des RS, toute une part de la création aurait été invisibilisée à jamais.
Pour vous montrer qu’on ne déconne pas, on va causer du palmarès du festival d’Angoulême 2025, qui s’achève ce 2 février. On va faire dans le rapide car l’intro a été un peu longue, un peu proustique. L’ex-dessinateur de Charlie Hebdo Luz repart avec le Fauve d’or, pour son album Deux filles nues. Ça parle de popo lesbien ? Pas du tout.
« Je voulais raconter l’histoire d’un tableau qui a vu des histoires tragiques, notamment la montée de l’extrême droite. Je voulais faire un bouquin d’Histoire et j’ai fait un bouquin d’actualité. »
Eh bien c’est l’histoire d’un tableau volé aux juifs par les nazis. France Info écrit :
Dans cet album, l’ancien dessinateur de Charlie Hebdo retrace l’histoire vraie d’un tableau peint en 1919 par l’Allemand Otto Mueller, spolié à un collectionneur juif par les nazis avant d’être restitué après-guerre à ses descendants.
On a sorti la kalkulette : le 7 janvier 2025, c’est le 10e anniversaire de la mort de Charlie, et le 27, le 80e anniversaire de la libé d’Auschwitz. Hum, un peu de numérolo à la con, 27 plus 7 moins 1 égale le 33 janvier, soit le 2 février. On a bien un alignement des étoiles (hum) sur la Shoah et Charlie.
Techniquement, dans la France d’aujourd’hui, une shoarlie ne pouvait échapper au premier prix. Et encore, les deux filles nues auraient pu être lesbiennes, ou noires, ou obèses, ou les trois, comme les responsables des incendies en Californie.
Mais ne discriminons pas, et voyons quels sont les autres prix accordés. C’est comme pour Cannes, on ne va pas s’appesantir sur les faux prix, mais en choisir trois symboliques : le grand prix de la Ville d’Angoulême, le Fauve d’or, et le Fauve prix du public France Télévisions. Pour le troisième, on laisse la parole à l’impénétrable Alix.
Dans « Impénétrable », @GarinAlix nous livre un voyage intime à travers les troubles de la sexualité.
À découvrir dans la sélection du Fauve d'Angoulême - Prix du Public @Francetele 2025.
RDV du 30 janvier au 2 février 2025 au festival @bdangouleme ! #CulturePrime pic.twitter.com/M5RMLUNGJ0
— france.tv culture (@francetvculture) January 22, 2025
On ne vous inflige pas les commentaires dithyrambiques de France Info ou Téléramasse, c’est trop prévisible. On l’a déjà dit, une IA – même française ! – peut remplacer toute la presse de gauche.
On va finir sur une note pour une fois ni antiwoke ni anti-shoarlie avec Anouk Ricard, la drôle de dessinatrice qui ne rentre pas dans la moule. Anouk, c’est la fausse innocence, le dessin pour enfants piqueté de vicelardise absurde.
On ne se lasse pas de ses petits détails qui foutent toute une image de bonheur préfabriqué par terre, une façon de dire son scepticisme devant un vivre-ensemble foireux, une société chaotique et sa norme débile qui rend les gens idiots et peureux.
La presse se gourre en célébrant « la 5e femme à remporter le Grand Prix » d’Angou, car on parle d’une dessinatrice pas féministe (ou gauchiste) pour deux sous dans son œuvre. De toute façon, on ne peut pas être drôle et gauchiste, c’est antinomique, car le gauchisme est une limite mentale. Regardez Guillon, Aram, et regardez Dieudonné, Bigard : y a pas photo.
C’est la même erreur que L’Obs qui avait casé Bukowski dans les écrivains alcooliques, alors que c’est un maître de la narration, un impressionniste littéraire, un type qui vous fait vivre une situation ou une émotion avec de simples petites touches, un style à l’efficacité redoutable dépouillé du gras proustien (qui a ses adeptes).
On va comparer ça aux joueurs de rugby : avant, on avait des masses ventrues de 250 kg qui se déplaçaient en diplodocus ; aujourd’hui des mecs de 100 kg dégraissés à mort qui courent comme des raptors (mais qui se déchirent musculairement trois fois plus).
Il faudrait voir ce que donnerait un match entre les Français qui ont mis sept essais aux Gallois le 1er février et ceux de Paparemborde à la fin des années 70... Enfin, bon, le vrai test ce sera face aux Rosbifs, comme toujours.