On a lu la tribune d’Elon dans l’édition de samedi du Welt am Sonntag (28 décembre 2024) : rien que du bon sens à la fois politique, économique et social. Mais le bon sens semble être l’ennemi des oligarchies au pouvoir en Europe, notamment en Allemagne et en France.
Pourtant, ce texte lucide (sauf peut-être sur le principe de la dérégulation de l’économie) a déclenché le départ de la rédactrice en chef, on le rappelle, d’un journal dit conservateur. Tout devient absurde, comme le chantait Trust, le groupe à l’origine de L’Élite. L’élite, c’est Maïsto qui en parle très bien sur X. Ensuite, on revient sur Elon et sa terrifiante diatribe pro-AfD.
L’élite est entrée sans prévenir
Ils sont coupables mais n’exécutent jamais leur peine et veulent envoyer tout le monde en prison.
Ils n’ont jamais travaillé mais légifèrent non-stop sur le travail.
Ils ont voté pour le pass vaccinal mais se sont gobergés dans des restaus clandestins.
Ils votent pour reculer l’âge de départ à la retraite mais ils cumulent des retraites astronomiques pour leurs emplois fictifs.
Ils se sont fait réformer pour leur service militaire mais poussent H24 à la guerre avec le sang des autres.
Ils pratiquent le népotisme à l’échelle industrielle mais vantent « la méritocratie ».
Ils veulent éradiquer l’assistanat mais vivent uniquement d’argent public.
Ils veulent lutter contre la drogue mais ils en ont plein les narines et leurs enfants aussi.
Ils disent adorer Victor Hugo mais ont assuré avec gourmandise la promotion de Gabriel Matzneff durant des décennies.On ira les chercher, un par un et jusqu’au dernier.
Attention toutefois à ne pas tomber dans l’appel à l’insurrection armée : nous, on n’a pas le droit d’évoquer le sujet pour les raisons que vous savez. Seul Juan Branco a le droit, car il est inoffensif.
Tout commence le 20 décembre avec le tweet pro-AfD du futur ministre de Trump, un message aussi simple qu’explosif, qui va avoir de fortes répliques en Allemagne, où se préparent des élections anticipées. Une semaine plus tard, Die Welt lui laisse une demi-page intérieure, sans même l’annoncer en une. On sent déjà que les dirigeants ne veulent pas en faire un événement (ils ont évidemment lu la lettre avant).
C’est donc une sorte de lettre aux Allemands que Musk envoie à un titre collé à l’oligarchie, pour qui Poutine est méchant, Biden gentil et Trump dangereux. Où l’on comprend que la droite européenne n’a rien à voir avec la droite américaine, nettement plus nationaliste. Les dirigeants allemands sont aujourd’hui à la merci du pouvoir profond américain, ce qui inclut l’OTAN.
La demi-page de Musk est aussitôt flanquée d’une autre tribune, anti-Musk cette fois, histoire de bien se laver les mains. La tribune anti-Musk, signée du nouveau rédacteur en chef, explique aux lecteurs, comme s’ils étaient débiles ou influençables, que l’AfD est dangereux pour le pays et en plus antisémite, la ligne rouge absolue en Germanie. C’est tellement énorme qu’on dirait le débat autour de la réédition des pamphlets antisémites de Céline chez Gallimard, assortis d’un appareil critique, selon la formule consacrée.
Le peuple allemand s’en fout visiblement, puisqu’il compte placer l’AfD dans le peloton de tête le 23 février, et même si la formation d’Alice Weidel ne l’emporte pas, car elle aura du mal à faire coalition, le bloc social-démocrate ne pourra pas gérer la crise qui vient. Et cette crise, Elon la détaille dans sa lettre : immigration massive assortie d’une hausse des impôts et d’une paupérisation des Allemands productifs, chute de la production industrielle, hausse de la facture énergétique, effondrement des valeurs à cause du woke (il parle plutôt de bien-pensance), crise culturelle due au trop grand nombre d’immigrés acceptés dans le pays, perte d’identité...
Pour toutes ces raisons, il juge que la montée de l’AfD n’est pas celle d’un sentiment d’extrême droite (de sinistre mémoire) mais d’un désir du peuple allemand de ne pas se diluer dans le mondialisme, de pouvoir conserver son caractère allemand, ce qui n’a rien de nazi. Il décomplexe le vote national, lui trouve des qualités de pragmatisme économique, et en cela, dérange forcément les élites, élites politiques, mais peut-être pas économiques.
La rédactrice en chef du journal qui a ouvert la porte à l’anar trumpiste a démissionné, et son tout frais remplaçant a réagi en sortant les mêmes âneries qu’on entend en France sur le populisme : danger pour la démocratie, antisémitisme et compagnie créole. Nous emprunterons au Figaro, qui a relaté l’affaire, la réaction du directeur de campagne des Verts : « Nous ne devons pas permettre aux Elon Musk de ce monde, à l’État chinois ou aux usines à trolls russes de saper nos démocraties en Europe. » Du pur Leyen dans le texte. Décidément, comme chez nous, le niveau de la classe politique s’est effondré.
L’article du Figaro nous livre la clé de cette intrusion populiste dans le journal social-dém de droite :
L’Association des journalistes allemands (DJV) a, quant à elle, protesté contre la « publicité électorale » permise par la rédaction de Die Welt. « Les médias allemands ne doivent pas se permettre de se laisser manipuler comme porte-voix des autocrates et de leurs amis », fustige son dirigeant Mika Beuster. Die Welt appartient au groupe de presse Axel Springer, le plus influent d’Allemagne, qui comprend aussi le tabloïd Bild, le plus lu du pays.
L’Allemagne est à la croisée des chemins, elle devra choisir entre revivre et crever doucement. Nous aussi.
Bonus « c pas un nazi » : Elon à Ausch
Le ministre de Trump n’a pas visité l’ancien camp de travail allemand en Pologne pour le racheter et le transformer en usine Tesla ou Space X avec des milliers de travailleurs forcés immigrés. Pourtant, la dérégulation néolibérale mènerait logiquement à ça...