Le black-out des autorités algériennes sur la santé du président Abdelaziz Bouteflika a relancé de plus belle les conjectures dans la perspective de l’élection présidentielle prévue dans moins d’un an.
Ces derniers jours, les appels se sont multipliés dans la presse en vue de l’application de l’article 88 de la Constitution sur une procédure d’empêchement du président, hospitalisé depuis le 27 avril à l’hôpital militaire du Val de Grâce à Paris.
L’avocat Ali Yahia Abdennour, un chef historique de l’opposition, a appelé M. Bouteflika, 76 ans, à passer la main, jugeant que la maladie rendait indispensable son retrait après 14 ans au pouvoir.
"La lutte pour la succession est ouverte, mais tout est bloqué. Aucune initiative n’est prise", a jugé lundi cet infatigable défenseur des droits de l’Homme de 92 ans, dans un entretien à El-Watan.
Lundi encore, le flou restait entretenu sur la réalité de l’état de santé du président. Des nouvelles indirectes ont néanmoins été données dimanche de sources officielles, après la saisie de deux journaux qui voulaient publier un dossier alarmant sur sa santé.
Le Parquet d’Alger a accusé le patron des journaux Hichem Aboud d’atteinte à la sécurité de l’Etat pour ses propos infondés à des médias étrangers. Et le ministère de la Communication évoquait des informations erronées et totalement fausses dans les deux publications.
Le chef du Parti El-Fadjr el-Jadid, Tahar Benbaïbèche, déplore une situation sans précédent : "L’Algérie n’a jamais connu une situation comme celle-là depuis l’indépendance, il y a presque 51 ans."
"L’absence du président de la République a provoqué une situation de blocage de toutes les institutions. Le Parlement, avec ses deux Chambres, ne fonctionne plus", affirme-t-il.
Un avis contesté par le député Ramdane Taazibt, du Parti des Travailleurs (trotskyste) : "contrairement à ce que veulent faire croire certains il n’y a pas de chaos ni de vacance de pouvoir. Les institutions fonctionnent normalement."
Dans le camp présidentiel, le Front de Libération Nationale (FLN) premier parti de l’Assemblée nationale avec 208 députés sur 462, la prudence est de mise.
"Nous sommes encore dans la gestion de la situation née de la maladie du président, souligne Kassa Aïssi", porte-parole du FLN.
"Soit le président est en mesure de poursuivre sa mission, soit il ne peut pas et on sera dans une nouvelle dynamique à ce moment-là", ajoute M. Aïssi. Nombre de partisans du FLN voulaient avant son hospitalisation voir le président Bouteflika repiquer pour un 4e mandat au scrutin d’avril 2014.
"La présidentielle de 2014, c’est dans moins d’une année. Président malade ou pas, on s’y prépare", juge pour sa part M. Taazibt.
En effet, la campagne semble avoir été lancée.
Depuis des semaines, certaines personnalités se sont déclarées candidates à la présidence, mais les journaux ne les considèrent pas susceptibles de l’emporter. Dernier en date, samedi, l’ancien militaire Seddik Menassel durant le congrès constitutif de son parti l’Union des nationalistes algériens.
La presse se perd en conjectures pour choisir un candidat susceptible de l’emporter, en tenant compte du pouvoir de décision de l’armée sur l’avenir du pays : d’abord l’ancien Premier ministre Ali Benflis qui s’était déjà porté candidat contre le président en 2004 dont il était un proche. L’économiste Ahmad Benbitour est également cité, de même que l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia et son successeur Abdelmalek Sellal.
Preuve pour certains qu’on est entré en campagne bien avant l’hospitalisation du président : la presse s’est emparée depuis des semaines des scandales de corruption qui secouent en Algérie les proches de M. Bouteflika.
Même son frère, Saïd, devenu son conseiller à la présidence, a été cité. Et un autre proche aussi, l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil, dans un scandale international de corruption au sein de la société nationale des hydrocarbures Sonatrach.
Sur le terrain social, les grèves ont repris récemment et dans le sud du pays, ce sont maintenant des milliers de chômeurs qui réclament haut et fort un emploi, un logement, un avenir que pourtant Abdelaziz Bouteflika avait promis meilleur en lançant toute une série de réformes dont la dernière, constitutionnelle, est en cours d’élaboration.