C’est notre question et notre hypothèse (il peut s’agir de services américains, mais aussi allemands [1]), évidemment farfelue, de départ. Nous n’avons pas pour habitude, à La Rédaction, de faire des hypothèses : le monde est devenu trop complexe, trop multipolaire, trop plurifactoriel pour qu’on puisse tirer le moindre plan sur la comète géopolitique.
Pour éviter de se tromper et porter l’entonnoir de la honte en faisant des hypothèses risquées (des branches éparses qui prolongent le tronc), on préfère se tourner vers les branches du sol – les racines –, historiques, réseautaires et politiques, et se dire que les branches sont à l’image des racines, une projection dans le ciel dont l’axe de symétrie serait la terre. On va donc chercher la vérité dans le passé plutôt que dans le futur.
Alexeï Navalny est considéré comme le principal opposant politique de Vladimir Poutine. Pourtant, c’est un nationaliste, voire un ultranationaliste. Mais il est accusé, par les médias et les services russes, d’être un agent à la solde de l’Amérique, ou de l’OTAN, ce que Navalny n’a pas pu vraiment nier. RT a prouvé (de manière assez facile puisque tout est curieusement public) que Navalny faisait partie d’un groupe de young leaders formés à Yale, une université américaine.
Cette initiative vient du président de Yale en 2000, Rick Levin. Le programme a été financé par Maurice Greenberg à hauteur de 16 millions de dollars : chaque année, 16 personnalités sont choisies pour devenir en quelque sorte les ambassadeurs de l’idéologie yaliste, qui est globalement mondialiste, derrière de jolis mots philanthropiques (des séminaires de good society qui rappellent l’Open society de Soros).
- La marque Abercrombie and Fitch est la marque américaine par excellence
Navalny qui voudrait que la Russie rejoigne l’UE et l’OTAN, rien que ça !, s’attaque au pouvoir du Kremlin en dénonçant la corruption du camp Poutine. Malheureusement, Navalny lui-même est tombé pour des malversations financières, ce qui en fait un opposant à la fois connu (et relativement populaire) mais fragile. D’ailleurs, son emprisonnement suite à des détournements de fonds l’ont empêché de participer à la dernière élection présidentielle en 2018.
Voyons qui sont les deux hommes qui ont décidé d’embaucher Navalny à Yale.
Maurice Greenberg est le fils de Jacob Greenberg. Wikipédia en anglais nous apprend qu’il a servi dans l’armée américaine au cours de la Seconde Guerre mondiale, notamment en Normandie pendant l’opération Overlord, qu’il a participé à la libération du camp de concentration allemand de Dachau, et qu’il a renquillé sur la guerre de Corée. Après ces guerres, il a passé un diplôme de droit, a été accepté au barreau de New York en 1953, et a fini par faire partie de l’hyperclasse, avec des jetons de présence dans l’ASEAN (l’association des pays d’Asie du Sud-est, autrement dit TSC, tout sauf la Chine), le conseil des relations extérieures (Council on Foreign Relations, le gros think tank rockefellerien du PPA, le pouvoir profond américain, avec notamment l’ordure Madeleine Albright et le couillon Colin Powell), la commission trilatérale de David Rockefeller...
Greenberg s’est notamment opposé aux doutes du président iranien Ahmadinejad sur la réalité de l’Holocauste ou du moins de son importance.
- Maurice Greenberg ou le sourire suave du pouvoir profond
Rick Levin, lui aussi américain de confession juive, a grimpé les échelons universitaires jusqu’à participer à la commission sur l’Iraq créée en 2004 qui devait conclure en 2005 à une erreur du renseignement américain quant à la possession par Saddam Hussein d’armes de destruction massive. En attendant cette tardive conclusion, l’Iraq avait déjà été rasée sous les bombes et les missiles américains.
Ces connexions étant posées, interrogeons-nous sur l’empoisonnement (avéré) de Navalny. Quel intérêt avait Poutine à éliminer devant les yeux du monde son opposant à la fois le plus virulent et le moins dangereux ? Car Navalny est aussi peu dangereux qu’il est virulent : ses liens avec l’Occident sont avérés ! On peut même parler d’un traître de théâtre. Joue-t-il alors une partition orchestrée par Poutine ?
Il y a une autre possibilité : c’est que Navalny, pris en charge par l’étranger, c’est-à-dire la CIA ou le pouvoir profond américain, ait été utilisé pour salir l’image de Poutine (corrupteur et corrompu, violent et autoritaire) et que, une fois au bout de ses possibilités, il ait été sacrifié par les services qui le prenaient en charge. Ce serait donc, sous couvert d’élimination par le FSB, qui n’avait rien à y gagner, une poussette de la part de la CIA. Le coup d’un service qui se cache derrière un autre service, le second prenant tout dans la gueule, et en public, ce qu’il y a de pire pour un service : l’échec et la publicité (de l’échec). Il suffit pour cela d’utiliser l’image publique du service poussé, soit l’empoisonnement, grande spécialité de l’ex-FSB, le KGB.
La tentative d’empoisonnement de Navalny, un opposant sans danger, pourrait donc être un coup des services étrangers contre Poutine, qui perd ainsi un opposant confortable. On rappelle qu’un sondage en 2017 donnait en Russie 60 % de confiance à Poutine contre 2 % à Navalny. Même si la télé russe trafique un peu les chiffres, on ne peut pas parler d’opposition féroce. Navalny (proche du libéral pro-américain Kasparov) aura joué le rôle de l’opposant contrôlé, ce qui ressemble plus à Poutine qu’une élimination négative pour l’image de la Russie (et donc de Poutine).
Navalny coche ou cochait toutes les cases du « traître » et ce, au vu et au su de tous (Yale, OTAN, UE). Mais il a peut-être cru à son destin et, tel un patsy à la Lee Harvey Oswald, dont les liens avec l’URSS et le communisme tombaient comme par magie de son CV trafiqué, a été neutralisé par des intérêts supérieurs qu’il n’imaginait pas.