Le PS veut relancer le débat sur l’euthanasie en légalisant l’"aide active à mourir".
Franchir une étape de plus vers la légalisation de l’euthanasie : tel est l’objectif du groupe socialiste, qui défendra à l’Assemblée nationale, jeudi 19 novembre, une proposition de loi sur le "droit de finir sa vie dans la dignité". Un texte qui autorise l’"aide active à mourir", et dont l’objectif affiché et de rouvrir le débat l’euthanasie.
Manuel Valls est le rapporteur du texte, signé par 129 autres députés socialistes sur 188, dont Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault ou Marisol Touraine. Mais au PS, comme ailleurs, il n’y a pas consensus sur la question.
Le député-maire d’Evry (Essonne) considère que la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie est une "avancée appréciable", mais une "démarche inaboutie". Ce texte interdit l’acharnement thérapeutique et autorise le soulagement de la douleur au risque d’abréger la vie, ce qui peut être assimilé à une euthanasie passive.
Mais depuis la mort de Chantal Sébire, cette femme atteinte d’une tumeur incurable au visage qui avait demandé en 2008 le droit de se voir prescrire une substance létale, le débat a rebondi. "La société avance plus vite que les parlementaires. Nous devons sortir de l’hypocrisie et légiférer", estime M. Valls. Avec un argument phare : "Sans qu’elle n’ait jamais été reconnue par la loi, l’euthanasie est une pratique courante, jugée avec clémence par les tribunaux." Il estime que le législateur ne peut laisser la jurisprudence "dire le cas par cas".
Si ces députés plaident pour le développement des soins palliatifs, ils considèrent que "cela ne répondra jamais à toutes les demandes des malades", citant ceux dont on ne parvient pas à soulager les souffrances et ceux refusant, comme Chantal Sébire, d’être plongés dans un état comateux.
Leur texte encadre donc l’"aide active à mourir" qui, contrairement à l’euthanasie passive, implique un geste actif administrant la mort. Serait concernée toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, qui lui inflige une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou serait jugée insupportable. Le malade ferait sa demande auprès de son médecin, qui devrait saisir trois autres praticiens pour vérifier le caractère libre, réfléchi et éclairé de la démarche. Chaque dossier, après le décès, serait adressé à une commission de contrôle.
La proposition de loi crée aussi un registre national des "directives anticipées". Tout majeur pourrait engager cette démarche pour le cas où il serait un jour hors d’état de dire sa volonté, comme pour le don d’organes.
De plus, un professionnel pourrait refuser d’apporter son concours, mais serait tenu d’orienter le patient vers un autre médecin. Enfin, une formation sur les conditions de réalisation de l’euthanasie serait assurée.
La démarche du PS, qui s’inspire des législations néerlandaise et belge, est soutenue par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui milite pour la légalisation de l’euthanasie. "Ce texte ne sera bien sûr pas adopté, mais c’est extrêmement symbolique qu’il soit débattu", estime Jean-Luc Romero, son président.
Il est au contraire combattu par les partisans des soins palliatifs. "Ce texte néglige la réalité sur le terrain et est très éloigné des besoins", estime ainsi le docteur Sylvain Pourchet, pour la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Responsable de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif (Val-de-Marne), le docteur Pourchet estime que l’aide active à mourir pourrait constituer un danger, parce qu’un malade peut être en "situation d’influence considérable, et que les familles ne sont pas forcément bienveillantes".
Le député UMP Jean Leonetti juge quant à lui que la proposition de loi socialiste ne permet pas d’aller plus loin que le texte qui porte son nom : "Il s’agit d’une autre loi. L’une accompagne le malade, l’autre abrège la vie. Les deux sont incompatibles."