L’évacuation de l’Afghanistan, la guerre en Ukraine et des réponses partielles aux revendications des travailleurs migrants ont remis l’émirat du Golfe au centre du jeu. Il se prépare à la Coupe du monde de football, du 21 novembre au 18 décembre 2022. Et se rapproche de l’Europe, qui lorgne vers son gaz naturel pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie.
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Les critiques ciblent la faible mise en œuvre des réformes par le Qatar, son système judiciaire problématique, son processus décisionnel centralisé et vertical, et sa mauvaise gestion des affaires liées à la Coupe du monde et au sport. Ainsi, le journal britannique The Guardian, en pointe dans la couverture critique de la Coupe du monde au Qatar, rapporte que les travailleurs migrants qui constituent la majorité de la population ont collectivement payé des milliards de dollars en « frais d’embauche » illégaux au cours de la dernière décennie. Dans le cadre de ses réformes, le Qatar a interdit d’imposer ces frais d’embauche aux travailleurs migrants.
Remboursement des « frais d’embauche »
Le Qatar a ouvert des centres de recrutement dans huit pays fournisseurs de main-d’œuvre, afin de garantir que le recrutement respecte les normes éthiques conformes aux recommandations formulées dans une étude de la Qatar Foundation. Ces centres ont permis de réduire le risque de modification unilatérale des conditions d’emploi figurant dans les contrats des travailleurs, mais n’ont pas été en mesure de contrôler les frais d’embauche. Pour compenser cette inefficacité, le Supreme Committee for Delivery and Legacy, l’organisateur qatari de la Coupe du monde, a obligé les entreprises avec lesquelles il passe des contrats à rembourser les frais sans que les travailleurs aient à fournir de preuve de paiement. À ce jour, les entreprises se sont engagées à rembourser environ 28,5 millions de dollars américains (26,51 millions d’euros) à quelque 49 000 travailleurs, dont 22 millions (20,47 millions d’euros) ont déjà été versés.
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Un rôle clé sur l’Afghanistan
Contrairement à ces problèmes récurrents liés aux droits humains qui ont assombri la préparation de la Coupe du monde qatarie, le Qatar a bénéficié d’un capital de sympathie pendant les trois ans et demi du boycott diplomatique et économique mené contre lui par les Émirats arabes unis (EAU) et l’Arabie saoudite pour le soumettre à leur volonté. Perçu comme un outsider en butte à des exigences qui l’auraient de facto privé de son indépendance, le Qatar a été félicité pour sa résilience et sa fermeté, qui ont finalement obligé les EAU et l’Arabie saoudite à mettre fin au boycott en janvier 2021.
Depuis lors, il a été récompensé pour le rôle clé qu’il a joué en aidant les États-Unis dans leur retrait raté d’Afghanistan, les États-Unis lui accordant le titre d’« allié majeur non membre de l’OTAN ». Le Qatar est le seul État du Golfe à bénéficier de ce statut, qui le place au rang des alliés les plus proches des États-Unis aux côtés de l’Australie et du Japon, et ouvre la porte à davantage d’exercices militaires conjoints et à d’éventuelles ventes d’armes.
Ce processus revêt une importance accrue à un moment où les États du Golfe s’inquiètent des efforts déployés par les États-Unis pour remanier et réduire leurs engagements en matière de sécurité dans la région et pour conclure un accord avec l’Iran en vue de relancer l’accord nucléaire de 2015 qui limitait le programme nucléaire de la République islamique. L’accord lèverait de nombreuses sanctions américaines contre l’Iran et le ramènerait dans le giron international sans aborder le programme de missiles balistiques de l’Iran ni son soutien aux milices au Liban, en Irak et au Yémen — des questions qui préoccupent beaucoup l’Arabie saoudite, les EAU et Israël.
À l’écoute des Européens sur le gaz
Entre-temps, le Qatar a gagné des points dans la crise ukrainienne en gardant ses lignes ouvertes à Moscou et en s’abstenant d’adopter les sanctions américaines et européennes contre la Russie. Contrairement à l’Arabie saoudite et aux EAU qui ont refusé les demandes américaines d’augmentation de la production de pétrole pour empêcher les prix de s’emballer, il a entamé des discussions avec l’Allemagne, la France, la Belgique et l’Italie sur des approvisionnements à long terme en gaz naturel liquéfié qui aideraient l’Europe à réduire sa dépendance vis-à-vis de l’énergie russe.
« Pour les États-Unis, il ne s’agit plus que du Qatar et de l’amitié avec le Qatar. Qu’en est-il de vos alliés qui sont à vos côtés depuis des années ? », s’est plaint un responsable saoudien, visiblement contrarié que Doha réussisse là où le royaume a échoué. « Les Qataris sont dans une position unique en tant qu’acteurs jouissant de la confiance d’un éventail d’acteurs presque sans équivalent, de la Maison Blanche aux talibans en passant par l’Iran et les consommateurs de gaz européens », estime Adel Hamaizia, spécialiste du Proche-Orient.
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