Bernard Tapie a été interrogé mardi par les juges financiers chargés de l’enquête sur l’arbitrage controversé qui avait accordé plus de 400 millions d’euros à l’homme d’affaires pour régler son litige avec le Crédit lyonnais, a appris l’AFP de sources proches du dossier.
Mi-février, la justice a annulé cet arbitrage, rendu en juillet 2008 pour mettre fin à une longue bagarre sur la vente d’Adidas, que Bernard Tapie avait racheté avant de s’en défaire en 1993.
Les juges d’instruction soupçonnent que cette sentence de 2008 ne soit le fruit d’un « simulacre d’arbitrage ». Il s’agit du premier interrogatoire de Bernard Tapie par les magistrats sur le fond du dossier.
Ils s’interrogent notamment sur les relations anciennes et cachées entre Bernard Tapie, un de ses avocats, Maurice Lantourne, et un des trois juges arbitres, l’ancien magistrat Pierre Estoup – des liens susceptibles de jeter le doute sur l’impartialité de ce dernier.
Une source judiciaire relève ainsi les « relations antérieures vieilles d’environ dix ans » entre MM. Estoup et Lantourne ainsi que les « relations professionnelles entre les trois » hommes qui ont été mis en examen mi-2013 pour escroquerie en bande organisée.
À l’appui de leur thèse, les juges ont versé au dossier la dédicace d’un de ses livres faite par Bernard Tapie à Pierre Estoup dès 1998, ou encore des échanges de courriers entre le camp Tapie et l’ancien magistrat dès 2006, soit avant l’arbitrage – ce que dément M. Estoup.
« La dissimulation de ces liens anciens, étroits et répétés participe de l’accomplissement du dessein ourdi par l’arbitre de concert avec M. Tapie et son représentant, de favoriser au cours de l’arbitrage les intérêts de cette partie », avaient estimé en janvier des magistrats de la cour d’appel de Paris pour confirmer la mise en examen de l’homme d’affaires.
La cour d’appel estimait que « l’existence de relations antérieures de proximité directes ou indirectes entre les trois personnes ne (pouvait) être déniée ».
Selon elle, « l’ensemble du processus décisionnel de recours à l’arbitrage, de mise en place de celui-ci a pu être frauduleusement faussé et altéré dans son principe et dans ses exigences de loyauté et d’impartialité ».
Dans le dossier de l’arbitrage, deux hauts fonctionnaires ont été mis en examen, ainsi que l’actuel patron d’Orange, Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde au ministère de l’Economie.
Aujourd’hui directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde a elle été mise en examen pour négligence par la Cour de justice de la République (CJR).
L’interrogatoire de Bernard Tapie pourrait s’étaler sur plusieurs journées. Sollicité mardi par l’AFP, son avocat n’a pas souhaité faire de commentaire.