Après plus d’un semaine passée à Rennes, il est temps de faire le point sur la mascarade médiatique et même judiciaire en cours. Étant journaliste et ayant couvert quelques procès d’assises, je suis assez étonnée de la manière dont les débats sont retranscrits par mes confrères. Mais le pire dans ce procès réside dans l’inversion totale des valeurs. Aujourd’hui, ce sont les défenseurs des victimes qui sont violemment attaqués par tout un tas de révisionnistes judiciaires.
Depuis le début de ce procès, on assiste à diverses manœuvres dont le but est assez clair : il s’agit d’enterrer définitivement la parole des enfants victimes de cette affaire d’Outreau. De sceller la chape de plomb sur les enfants victimes, ceux d’Outreau mais aussi tous les autres.
Il s’agit de valider la théorie des faux souvenirs, inventée par des pédophiles américains dans les années 80, quand de nombreux enfants se sont mis à dénoncer des abus sexuels de type rituels dans des dizaines d’écoles maternelles et de crèches à travers le pays.
On veut aussi diffuser l’idée fausse dans l’opinion selon laquelle il n’y a eu que quatre victimes à Outreau alors que la justice elle-même en a reconnu 12 à Paris. Cela qui ne manque pas de piquant, quand on sait que ce sont bien les avocats de Daniel Legrand qui nous ont traités de "révisionnistes".
Inversions
On a déjà évoqué l’inversion symbolique qui a eu lieu à Saint-Omer, lors du premier procès. Les enfants ont été obligés de témoigner dans le box des accusés, car il était trop petit pour contenir tous les accusés et qu’on n’a pas investi pour que le procès se déroule dans des conditions normales.
Depuis les prémisses du procès de Rennes, on a placé Daniel Legrand dans le statut de victime, et je dirais même de la seule et unique victime puisqu’une fois de plus la quasi totalité de l’espace médiatique (et donc du temps de cerveau) a été occupé par la défense et le fan club de Daniel Legrand.
Il est clair que les avocats des victimes, en revanche, n’ont pas choisi une stratégie de communication.
Il y a une nouvelle inversion, qui s’est développée ces derniers jours avec les auditions de Myriam Badaoui [1], Thierry Delay, Aurélie Grenon et David Delplanque, les quatre adultes condamnés pour avoir agressé et violé des enfants. Une parole prise bien plus au sérieux, jugée crédible sans aucune critique, que celle de tous les enfants, auditionnés plusieurs fois, et qui ont raconté divers sévices commis par tout un tas d’adultes.
Que sont venus dire ces braves gens ? Eh bien ces quatre personnes, condamnées à des peines allant de quelques années à 20 ans de prison pour avoir violé des enfants, sont venus dire qu’elles ont menti à l’époque, qu’elles ne connaissaient pas Daniel Legrand, mais surtout, surtout, qu’en fait les seules victimes de toute cette affaire sont les enfants Delay. Bien-sûr toute la presse leur a emboîté le pas : « Daniel Legrand disculpé par tous les condamnés » (L’Express), « Myriam Badaoui disculpe à son tour Daniel Legrand » (La Dépêche), « Le quatrième et dernier condamné disculpe Daniel Legrand », etc.
Le gros problème, outre le fait qu’ils soient tous revenus sur des déclarations concordantes avec les aveux de Daniel Legrand lui-même et avec les déclarations de plus d’une dizaine d’enfants qui ont été reconnus victimes par la justice, c’est que ces quatre condamnés ont dit que leurs seules victimes étaient les enfants Delay.
Thierry Delay et Myriam Badaoui, pourtant condamnés pour les 12 enfants, n’ont parlé que de leurs quatre fils. Quand à l’ex couple Grenon-Delplanque, qui a été condamné pour les viols des deux enfants de Delplanque, ils ne se rappelaient plus avoir violé que les enfants Delay.
Finalement, on comprend que la parole de quatre pédocriminels pèse, du moins pour la défense et pour les médias, plus lourd que celle des 12 victimes et de la cour d’assises de Paris.
Ce lundi, c’était le couple Lavier qui est venu nous dire, outre qu’il ne connaissait pas Daniel Legrand, que leurs fille reconnue victime au procès de Paris n’est plus victime. Et Sandrine Lavier de pleurer sur cette fille qu’elle dit ne pas avoir revue depuis l’affaire, ce qui peut se comprendre quand on a lu les témoignages de la petite.
8 victimes oubliées
Cela nous amène à l’un des buts, dévoilés au cours de la semaine, des avocats de Daniel Legrand : réduire l’affaire d’Outreau à une histoire d’inceste, et cela malgré l’existence de 12 enfants victimes issus de cinq fratries différentes.