Totalement dépassée par les événements, la plateforme de cagnotte en ligne Leetchi a clôturé sans préavis une collecte pour le boxeur Christophe Dettinger. Cette clôture enfreint tout à fait ses propres Conditions Générales d’Utilisation comme on peut le constater rapidement à la lecture de celles-ci sans être nécessairement un juriste aguerri (ce que nous ne sommes pas, ainsi que la plupart des donateurs).
D’abord, la situation et les solutions de sortie
L’objet affiché de cette cagnotte par son organisateur (membre proche de la famille de Christophe Dettinger) était clair et sans ambiguïté :
Par cette cagnotte, nous souhaitons soutenir sa famille et lui montrer la solidarité du peuple des Gilets Jaunes, du vrai peuple français.
Il ne s’agissait donc nullement de, nous citons l’alinéa (f) de l’article 26.1 des CGU :
(...) la promotion de la haine, violence, intolérance raciale ou l’exploitation financière de crime (...)
C’est pourtant cet argument spécieux que le communiqué officiel de la société Leetchi a mis en avant pour faire valoir le blocage illégal de la cagnotte :
Compte tenu des actes reprochés à Christophe Dettinger, aucune autre utilisation de la cagnotte ne saurait être acceptée.
Cette décision unilatérale qui excipe honteusement de justifications fallacieuses ne saurait tromper ni les donateurs ni l’organisateur de cette cagnotte.
En effet, l’organisateur devrait sur-le-champ faire valoir son droit à l’annulation de la cagnotte suivant l’article 4.3.4 des CGU :
Avant toute utilisation de la Cagnotte, l’Organisateur peut notifier l’annulation de la création de la Cagnotte. Il adresse sa demande d’annulation par email au Service Clients à l’adresse suivante : serviceclient@leetchi.com.
En cas d’annulation, le Distributeur procède à la notification de l’annulation à l’ensemble des Participants concernés et l’Emetteur ferme la Cagnotte. Le montant de chaque Participation donne lieu à Remboursement au Participant concerné.
Il peut aussi faire valoir son droit à la rétractation (article 13 des CGU) puisque les 14 jours légaux ne sont pas dépassés :
L’Utilisateur dispose d’un délai de 14 (quatorze) jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motif ni supporter de pénalité. Ce délai de rétractation commence à courir à compter du jour de son inscription sur le Site Leetchi.
L’Utilisateur doit notifier sa demande de rétractation dans le délai imparti au Service Clients Leetchi par téléphone ou par mail et adresser un courrier de confirmation à l’adresse suivante : Leetchi SA, 4 rue de la Tour des Dames, 75009 Paris, France.
Voire son souhait de résilier le contrat (article 6.2 des CGU) :
L’Utilisateur, peut à tout moment et moyennant le respect d’un préavis de 30 (trente) jours calendaires, procéder à la Résiliation du Contrat. Il doit, pour ce faire, adresser sa notification au Service Clients, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l’adresse postale suivante : Leetchi SA, 4 rue de la Tour des Dames, 75009 Paris, France.
D’autre part, les donateurs devraient immédiatement faire valoir leur droit à la rétractation comme le stipule l’article 4.3.3 des CGU :
Indépendamment de ce qui précède, le Participant peut demander un Remboursement de sa Participation (une « Rétractation ») à tout moment avant toute utilisation de la Cagnotte telle que listée ci-dessus. Une Rétractation est valablement demandée par email à l’adresse serviceclient@leetchi.com.
En cas de Rétractation le Participant doit indiquer le montant de sa Participation dont il souhaite le Remboursement.
Dès lors nous invitons expressément l’organisateur de la cagnotte à annuler sa cagnotte afin que chaque donateur soit remboursé. Libre à lui ensuite de créer une cagnotte sur une plateforme plus résiliente qui saura supporter les coups de butoir du Système.
Bien sûr nous enjoignons l’organisateur à rester dans la plus stricte légalité, c’est-à-dire de faire valoir des arguments irréprochables : participer aux frais de justice et d’avocats qu’entraîneront les poursuites judiciaires, mais aussi offrir une aide matérielle pour Christophe Dettinger qui risque probablement de perdre son emploi et de subir d’autres persécutions pécuniaires ou matérielles de toutes sortes.
Nous invitons aussi tous les donateurs à demander la restitution de leur don comme stipulé par l’article 4.3.3 des CGU de la société Leetchi.
Mais, cependant, que devions-nous attendre de la plateforme Leetchi dont la fondatrice Céline Lazorthes, désormais millionnaire, a soutenu activement le président Emmanuel Macron, dont elle a fait la promotion sur les réseaux sociaux (source : Wikipedia) ?
Les mécontents pourront toujours écrire à l’ultra-orthodoxe Jérémie Berrebi, le business-angel entre France et Israël, passionné de judaïsme (Le Journal du Net, 16/10/2015), ou son co-investisseur Xavier Niel (fondateur de Free, mais aussi co-actionnaire du journal Le Monde) qui « fascine » la petite Céline (Challenges, 12/03/2014). Ou bien simplement donner leur avis circonstancié sur le site d’avis certifiés TrustPilot !
Ensuite, le fond du problème
Ces points juridiques étant posés, il nous faut revenir rapidement sur le fond de l’affaire.
Christophe Dettinger n’a pas attaqué gratuitement mais, sous la colère de l’homme blessé, s’est défendu et a défendu des manifestants et plus précisément des femmes injustement frappées et gazées par des gendarmes nerveux débordant de leur fonction. On le sait si l’on regarde l’action sous les différents angles de caméra qu’offre l’Internet (et non pas bien sûr si on se limite à la version parcellaire qui a tourné en boucle dans les médias traditionnels).
Comme l’ex-champion de France l’a révélé dans sa vidéo, il a participé à toutes les manifestations des Gilets jaunes. C’est dire s’il est conscient dans sa chair des violences policières. Ce grand gaillard dont la vidéo montre à l’évidence sa bonhomie et son honnêteté morale, ne s’était alors encore jamais emporté. Et pourtant, il faut se souvenir du bilan à ce jour : 11 morts et plus de 1500 blessés !
Ce triste bilan est le plus élevé jamais atteint pour une contestation depuis 50 ans. Et ces chiffres macabres n’ont probablement pas terminé de monter. La violence vient d’abord de l’exécutif qui a annoncé clairement qu’il répondra à l’ultra-violence par l’ultra sévérité. Cela associé à des forces de l’ordre épuisées répondant à des ordres à la limite de la légalité, mais aussi à des éléments ultra-agressifs, en particulier les policiers en civil et les BAC qui peuvent ici en remontrer à des manifestants pacifistes, révélant probablement de grandes frustrations (on pense aux banlieues où leur zèle se fait nettement moins connaître). On en a même vu un se camoufler derrière une tête de mort, tout un programme !
Les tirs tendus, en pleine tête, sont légions. Les vidéos abondent sur la Toile. Des hommes, mains en l’air, se font tirer comme des lapins par des policiers surexcités.
Les grenades de désencerclement sont jetées en l’air, contre toute pratique, des bombes lacrymogènes lancées en pleine foule, sans se soucier des charges de TNT qui font des dégâts terribles (qu’on se souvienne de Rémy Fraisse qui la reçut dans sa capuche et mourut sur le coup), le gaz aspergé sans retenue sur femmes ou vieillards, les pavés renvoyés dans une foule sans casque ni protection, les coups de poing assénés sur des manifestants déjà maîtrisés, etc.
Qu’on juge du résultat par ces quelques images glanées ici et là :
De la relativité de toutes choses
De tout cela on retiendra que l’acte – certes discutable sur le plan symbolique – de Christophe Dettinger n’est qu’une réponse infiniment pacifique à toute cette violence déchaînée. Et encore... Car ici, on ne vous aura parlé que de la violence policière de ces dernières semaines. Mais nous pourrions rappeler l’indicible violence économique et sociale qui touche ces millions de Français depuis des décennies pendant que d’indécentes fortunes s’amassent, que d’ignobles parasites vivent sur le dos de ce peuple martyrisé mais aussi culpabilisé par quelques officines illégitimes, que des politiciens prévaricateurs faillissent chaque jour à leur mission et, qu’au sommet de tout cela, les banques et leurs propriétaires aspirent l’argent jusqu’à l’obscénité.