Un attentat déjoué n’est pas forcément un grand soulagement. C’est même, en général, plus angoissant, même si on ne peut, à l’évidence, qu’être soulagés que le sang n’ait pas coulé.
Lorsque des terroristes sont tenus en échec, tout laisse supposer que leurs commanditaires n’ont ensuite que la perspective de recommencer. Tôt ou tard, ils réussiront… Et la peur qu’ils instillent au ventre de tout à chacun est une victoire plus importante que l’agonie de leurs victimes, surtout quand celles-ci sont d’anonymes passagers.
Ainsi en est-il de l’attentat raté du vol 253 Amsterdam-Detroit au lendemain de Noël dans lequel les observateurs se perdent en conjectures… Al-Qaïda ou pas Al-Qaïda ? Vaste complot planétaire ou acte isolé ?
À chaque tentative d’attentat, les mêmes interrogations reviennent… sans que soient apportées jamais, ou très rarement, de confirmations ou de preuves.
Le citoyen peut donc légitimement se perdre lui aussi en conjectures sur la finalité de telles actions.
Si Umar Farouk Abdulmutallab, jeune Nigérian musulman de 23 ans, fils d’un riche banquier et étudiant brillant, a agi seul, ce n’est alors ni plus ni moins que l’acte isolé d’un illuminé religieux. Rien ne pouvait le laisser prévoir, rien ne pouvait l’empêcher, rien ne pourra interdire à autres illuminés, à l’avenir, de l’imiter. Avec ni plus, ni moins de chance de succès.
Ce qui pourrait expliquer la mauvaise qualité des explosifs utilisés, l’amateurisme de l’apprenti-kamikaze, l’échec de sa tentative… et n’explique pas tout le battage médiatique autour de cet « échec d’attentat », sinon à traumatiser les opinions publiques pour mieux faire passer de nouvelles contraintes de sécurité dans les aéroports pour les voyageurs et dans la vie quotidienne pour tous.
Des contrôles renforcés dans les aéroports du monde entier ont d’ailleurs immédiatement été ordonnés. Heureusement, penseront certains… Peut-être, mais pourquoi les contrôles n’étaient-ils pas au maximum de ce qu’ils devraient être ? À quoi bon, des contrôles imparfaits, même pas toujours capables d’empêcher les « terroristes du dimanche » de passer à l’acte. La preuve par Umar Farouk Abdulmutallab qui a réussi à passer à travers les dispositifs de surveillance et de sécurité des aéroports pour prendre place dans un avion de ligne avec tout son attirail de mort sur lui.
Parce que, tout de même, Al-Qaïda, c’est autre chose, à en croire tous les experts en la matière, CIA en tête : des ramifications dans le monde entier, des moyens financiers colossaux, une expérience du terrorisme à nulle autre pareille… Alors, si les contrôles dans les aéroports laissent à désirer, on peut légitimement s’inquiéter… à moins, justement, que des contrôles trop draconniens s’avèrent à terme impossibles à maintenir.
D’où l’hypothèse qu’Umar Farouk Abdulmutallab soit pourquoi pas ! téléguidé par l’organisation d’Oussama Ben Laden, mais que le succès ou l’échec de sa tentative soit secondaire : il ne se serait agi alors que d’instiller davantage la peur que de répandre la mort dans l’opinion publique.
Si c’est véritablement le but des terroristes, comment ne pas s’interroger sur la responsabilité des medias du monde entier dans la retransmission en boucle de cette tentative d’attentat, accompagnée de commentaires plus alarmistes les uns que les autres ?
On s’interroge beaucoup pour connaître les instigateurs des attentats, qu’ils soient réussis ou empêchés… beaucoup moins, voire même pas du tout, à qui ils profitent le plus, dans un cas comme dans un autre…
Aux gouvernements des pays occidentaux qui augmentent à leur guise les contrôles physiques autant qu’administratifs, renforcent les surveillances et multiplient les contraintes quotidiennes sur les citoyens ?
À la mouvance terroriste qui, à peu de frais, voient ses actions ou ses simples tentatives d’actions, répercutées médiatiquement dans le monde entier, suscitant aussitôt un renforcement de ses soutiens, un renouvellement de ses troupes, une augmentation des vocations de kamikaze ?
Aux medias à qui est ainsi offert sur un plateau une actualité de premier choix, en cette période de fêtes où il ne se passe pas grande chose, sinon une folledingue tentant de bisouiller le Pape ou trois spéléologues n’ayant rien trouvé de mieux à faire qu’à réveillonner dans le gouffre de Romy d’où ils ont d’ailleurs réussi à s’extraire avant même que les sauveteurs ne les aient retrouvés ?
À qui profitent réellement les attentats ? Une question trop gênante pour être trop souvent posée.
Philippe Randa