Les événements de ces derniers jours ont pu occulter l’aggravation continue de la situation économique, en France comme en Europe. La chute de la consommation dans trois des principales économies de la zone Euro (France, Italie, Espagne) se confirme. Seule, la consommation allemande progresse légèrement, mais elle ne pourra pas compenser l’effondrement de la consommation en France, que l’on redoutait et qui est en train de se produire.
Dans le même temps, l’investissement productif (FBCF) des entreprises continue de diminuer. Il faut ici noter qu’il n’avait jamais retrouvé les niveaux d’avant la crise, soit de fin 2007. La baisse est continue depuis le 4ème trimestre de 2011, mais elle s’accélère sur le dernier trimestre de 2012.
Ces éléments jettent une lumière crue sur les prévisions de la Commission Européenne. Cette dernière, rappelons-le, prévoit pour la France une croissance de 1,2% en 2014.
Or, la croissance a trois moteurs : la consommation interne, l’investissement, et la différence (excédent ou déficit commercial) entre les exportations et les importations. Il est aujourd’hui très peu probable que l’on ait une amélioration spectaculaire de ce dernier. La demande restera déprimée en Europe, et faible dans le reste du monde. Les problèmes budgétaires américains limiteront la croissance et l’industrie française devra, de plus, faire avec un Euro bien trop cher par rapport au Dollar ou au Yen (qui est à son plus bas niveau depuis 2009).
Avec une consommation intérieure et un investissement en baisse, on ne voit pas d’où pourrait surgir cette croissance que l’on nous annonce. Ajoutons que les pressions européennes pour faire réduire le déficit et la dette vont s’amplifier pour l’année 2014 [1]. Ces pressions sont d’ores et déjà relayées en France même par la Banque de France, institution qui porte désormais mal son nom étant aux ordres de la Banque Centrale Européenne, et dont le gouverneur propose de réaliser 40 milliards d’économies [2]. De telles économies achèveront, en réalité, de faire plonger l’économie française dans la spirale de récession. En fait, au gouvernement, Arnaud Montebourg, soutenu par Benoît Hamon et Cécile Duflot, s’est opposé à cette démarche même s’il n’en tire pas toutes les conséquences [3].
Dans ce contexte, compte tenu du dérapage des comptes publics, dérapage qui n’est pas dû à un excès de dépenses mais à la contraction mécanique des recettes en raison d’une croissance en 2013 significativement en dessous des 0,8% prévus, il faudra probablement que le gouvernement fasse l’équivalent d’un point de PIB (20 milliards d’euros) d’économies en plus. Or, le multiplicateur des dépenses publiques étant largement supérieur à 1, ces économies devraient provoquer une nouvelle chute du PIB, sans doute de 24 à 28 milliards d’euros. Il manquera de toute manière de 10 à 13 milliards de recettes, soit entre 0,5% et 0,7% du PIB.
Dans le meilleur des scénarios, il faut donc s’attendre à une croissance de 0,5% en 2014 (et non 1,2%) et au pire à une croissance de -0,2%. Le déficit pour l’année 2014 devrait atteindre au mieux 3,5% et au pire 3,7%, soit exactement le même chiffre qu’en 2013. Cela pose la question de la crédibilité des annonces gouvernementales. Et là, il convient de se rappeler ce que vient de déclarer Jérôme Cahuzac : “On me dit que j’ai menti sur ma situation personnelle. Cela veut dire quoi ? Qu’il y aurait des mensonges indignes et d’autres qui seraient dignes ? À ce compte-là, j’ai menti devant l’Assemblée sur la possibilité de réaliser les 3% de déficit en 2013″ .
On peut être choqué du cynisme de cette déclaration, mais il faut lui reconnaître une vérité. Où est le pire mensonge de Jérôme Cahuzac ? Dans une fausse déclaration de son patrimoine, certes éminemment condamnable mais qui n’a d’effets que sur lui-même, ou dans une fausse déclaration de nature politique, faite elle aussi devant l’Assemblée nationale ? Car, en tant que Ministre du Budget, il a, tant en commission des finances que devant l’Assemblée, affirmé que la croissance serait en 2013 de 0,8% du PIB et le déficit de 3%, alors que le gouvernement savait au minimum depuis le mois d’octobre 2012 qu’il n’en serait rien.
Qu’un gouvernement, et ses ministres, fassent des prévisions, et ce faisant pêchent par optimisme, est inévitable et ne doit pas leur être reproché. Mais, que le Ministre des Finances et le Ministre du Budget maintiennent des prévisions qu’ils savent parfaitement être fausses pose un vrai problème de moralité politique ou d’incompétence, c’est au choix.
Avoir maintenu de la mi-octobre 2012 à la fin février 2013, contre toutes les évidences, les chiffres initiaux est un mensonge dont les conséquences sont beaucoup plus graves pour les Français. C’est ce mensonge qui appelle une sanction politique. Le mensonge sur son patrimoine qu’a commis Jérôme Cahuzac n’appelle lui qu’une sanction judiciaire, en France et probablement en Suisse s’il se confirme que l’ex-Ministre a fait une déclaration mensongère à la banque Julius Baer.