« Le général Charilaos Pangalos observe d’un œil satisfait la place Syntagma… Deux chars Abrams américains veillent de part et d’autre du bâtiment ». Jean Quatremer, correspondant du quotidien français Libération auprès de l’Union Européenne, a prophétisé sur son blog « Coulisses de Bruxelles » ce que seraient les conséquences du retrait de la Grèce de la zone euro.
2014 : A la fin de l’année 2011, l’Europe avait décidé d’imposer un défaut grec de l’ordre de 60% sur les dettes des investisseurs privés, qui avait généré une ruée bancaire, et l’effondrement du système bancaire grec. Les institutions européennes qui ont pris le relais, mais trop tard, et les épargnants grecs sont ruinés. Les caisses de retraite qui subissent la décote de l’Etat sont au bord du dépôt de bilan, et elles ne payent plus que des pensions réduites, ce qui provoque la colère populaire. De nouvelles élections sont organisées.
Samaras, le nouveau dirigeant, décide le retrait immédiat de la Grèce de l’Euro. Il pense qu’en dévaluant la drachme, la Grèce pourra renouer avec la croissance avec la relance de ses exportations et que le contrôle de la monnaie permettra de financer les dépenses de l’Etat.
Cette décision provoque une nouvelle ruée bancaire et les Grecs transfèrent tous leurs avoirs à l’étranger. En réponse, Samaras décide la fermeture des frontières aux capitaux, mais trop tard, et avec l’arrêt de l’aide européenne, les banques sont toutes déclarées en banqueroute. La Grèce convertit ses dettes en drachmes, ce que les investisseurs internationaux qualifient de défaut. La République hellénique ne peut plus emprunter. Qu’à cela ne tienne, on fait tourner la planche à billets pour alléger la dette, ce qui provoque une énorme inflation qui atteint de plein fouet les plus défavorisés, et les entreprises qui avaient emprunté en euros, qui subissent un surenchérissement de leur crédit.
La drachme de déprécie de 50% et le déficit commercial explose avec l’augmentation de la contrevaleur des importations. Les exportations se développent, mais elles ne permettent pas de combler le déficit commercial. Comme la Grèce ne peut plus payer ses importations, des pénuries de matières premières surgissent. L’économie se réduit de 40%. Les Grecs perdent la moitié de leur patrimoine, et l’Etat ne peut plus payer les fonctionnaires, qu’il licencie massivement. Avec l’inflation, le pouvoir d’achat s’écroule.
Le chaos économique engendre des émeutes, et le gouvernement appelle l’armée pour les réprimer : le pays sombre dans la guerre civile. En 2014, une junte militaire appuyée par les Américains a pris le pouvoir, tandis que la guerre civile s’achève...
Pendant ce temps-là, en Europe… Le retrait de la Grèce a fait craindre une contagion aux autres pays européens en difficulté, et l’Europe est boudée par les investisseurs sur les marchés financiers mondiaux. L’Allemagne est le dernier pays de la zone à inspirer confiance. Les épargnants, qui se sont précipités aux guichets des banques pour retirer tous leurs avoirs, les ont d’ailleurs transférés en Allemagne, et le système financier européen est au bord de la faillite. Et lorsqu’ils veulent y remédier, les Etats augmentent leur dette, renforçant la panique. Fin 2012, il n’y a plus rien à faire, l’euro doit faire place aux différentes monnaies d’origine.
Toutes les devises des pays du Sud sont immédiatement dévaluées, tandis que le mark s’apprécie de 50%. C’est la faillite pour la zone euro, et les pays lourdement endettés comme la France ou l’Italie perdent l’accès aux marchés financiers. Les gouvernements sont obligés de pratiquer des coupes drastiques dans les budgets, et de renoncer à des pans entiers de protection sociale. Les banques centrales augmentent les taux d’intérêt pour défendre leur monnaie, ce qui dissuade d’emprunter. Comme 80% des échanges sont réalisés entre pays européens, les pays n’améliorent pas pour autant le solde de leur balance commerciale, alors que le prix des matières premières s’envole. En 2013, les pays instituent des barrières douanières. De son côté, l’Allemagne a perdu sa compétitivité avec un mark trop fort, et le pays s’est lourdement endettée avec les différents plans de sauvetage tentés pour sauver l’Europe.
Tous les pays sombrent dans des crises économiques très graves, qui provoquent des troubles sociaux. Les partis populistes s’installent aux commandes dans plusieurs pays. C’est la méfiance générale. Paris tente de ressusciter une union avec les pays du Sud. L’Allemagne, qui se sent rejetée, décide de renforcer son arsenal militaire…
Les journalistes sont très inspirés par la crise de l’euro, et l’on voit fleurir de nombreux scénarii pour décrire son issue. Mais cela n’est pas anodin. Le journal français Le Monde avait ainsi publié une série d’articles fictionnels citant nommément la Société Générale, et décrivant sa chute. Un tabloïd britannique, The Mail on Sunday, a pris ces faits pour argent comptant et suscité une panique sur les marchés. La Société Générale a perdu 14,74% de sa valeur en une séance de négociation.