Ce texte, qui réagit au projet de loi sur la protection de l’enfance, est écrit en écriture inclusive, ce qui n’est pas anodin puisque c’est le signe d’une idéologie qui a failli. On sent la patte des associations, des syndicats et des magistrats de gauche qui s’occupent en majorité de l’enfance et de sa protection depuis toujours. On peut même dire qu’ils la monopolisent. Et le résultat n’est pas brillant. Il ne s’agit pas de remplacer l’éducation ou la rééducation par la répression, soit le choix de gauche par le choix de droite, pour simplifier, mais de ne pas poursuivre dans une voie qui a montré tant d’échecs, de faiblesses, et de drames.
On n’en dira pas plus. Mais ne jugeons pas trop vite, pensons à tous ceux qui vouent leur vie sans arrière-pensées à la protection des plus fragiles, et lisons cette tribune après quelques informations sur la réforme en question...
Sur la responsabilité des mineurs de moins de 13 ans
Pour info, c’est en septembre 2019 que le gouvernement lance son projet de loi sur la responsabilité pénale des mineurs :
Le ministre de la Justice de l’époque, Nicole Belloubet, est allé défendre son projet sur France Inter :
.@NBelloubet : "En-dessous de 13 ans, il y aura une présomption d'irresponsabilité pénale, mais le juge pourra toujours faire jouer le discernement et le cas échéant, admettre qu'un enfant de 12 ou 11 ans puisse être responsable pénalement" #le79Inter pic.twitter.com/RgcPuHYP7O
— France Inter (@franceinter) June 13, 2019
« Selon l’avant-projet d’ordonnance soumis en juin aux professionnels du secteur, la ministre prévoit d’instaurer le principe d’une présomption d’irresponsabilité avant 13 ans. Cette présomption est simple : un juge pourra décider qu’un jeune de 11 ou 12 ans est doté de discernement et est donc pénalement responsable, mais ne pourra prononcer contre lui qu’une mesure éducative et non une peine. La fixation d’un seuil vise notamment à répondre aux exigences de plusieurs conventions internationales ratifiées par la France. » (CNews, le 11 septembre 2019)
Cette réforme prévue pour l’automne 2020, qui sera probablement adoptée par le Parlement, résonne aujourd’hui avec l’actualité, notamment avec les adolescents ou les pré-adolescents mis en examen dans l’affaire de l’assassinat du professeur Samuel Paty.
Le 26 novembre 2020, quatre collégiens entre 13 et 14 ans ont donc été mis en examen pour « complicité d’assassinat terroriste », car trois d’entre eux sont soupçonnés d’avoir désigné la victime, Samuel Paty, à l’assassin (si c’est bien lui qui a commis le crime) Abdoullakh Anzorov, mort abattu par la police. Le moment où l’assaillant présumé a été neutralisé a été filmé par un habitant. Avant de truffer le jeune homme de 18 ans de plomb (plus de 7 tirs), les policiers se rendent compte qu’il tire « des billes » :
Le quatrième adolescent mis en examen est la fille de Brahim Chnina, le parent d’élève qui a lancé la campagne contre le prof d’histoire-géographie sur les réseaux sociaux.
Que va faire la justice de ces complices d’assassinat terroriste ? Selon le code de procédure pénale, ils encourent 10 ans de prison, mais étant mineurs, la peine sera coupée en deux, soit 5 ans. Mais comme le juge ne peut les mettre en prison, ils écoperont d’une « mesure éducative ». C’est là où intervient désormais une forme de responsabilité en faisant « jouer le discernement », comme l’expliquait Belloubet, et c’est le juge qui tranchera.
Plus de 200 personnalités, professionnels de l’enfance, membres d’organisations syndicales de magistrats, travailleurs sociaux et avocats appellent « les parlementaires à ne pas céder à ce simulacre de débat démocratique et à s’opposer au vote » du projet de loi qui réforme la justice des mineurs, dans une tribune publiée par franceinfo, mardi 1er décembre.
Le projet de loi est examiné en dernière lecture mardi 1er décembre à l’Assemblée nationale. Un rejet tant sur le fond que sur la forme. Les signataires appellent à « replacer la protection de nos enfants (...) au centre des enjeux ». Cela fait deux ans qu’elles expriment leurs « préoccupations » sur ce projet de loi rédigé « sans réelle consultation » selon elles. Ce Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), porté par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, est censé entrer en vigueur le 31 mars 2021. Les signataires réclament « un projet plus ambitieux » et concerté, pour un code « non pas seulement de la justice pénale des mineur.e.s, mais de l’enfance ».
La tribune
Depuis maintenant plus de deux ans, nous exprimons nos préoccupations concernant le projet de Code de justice pénale des mineurs, élaboré sans réelle consultation des professionnels de l’enfance, des organisations syndicales de magistrat.e.s, travailleuses et travailleurs sociaux et avocat.e.s, et surtout sans réel débat démocratique, le choix étonnant de légiférer par ordonnance, qui plus est en ayant recours à la procédure accélérée, ayant été fait.
Aujourd’hui, ce texte sera examiné au pas de course par le Parlement, contraint par un agenda extrêmement serré, à partir du 1er décembre. Il est ainsi envisagé de faire entrer en vigueur cette réforme moins de trois mois après son examen par le Parlement, sans tenir compte de la réorganisation conséquente qu’elle impose pour l’ensemble des professionnels intervenant en matière de délinquance des mineurs. Le branle-bas de combat est tel que le ministère s’apprête à saisir le Conseil d’État sur la partie réglementaire, avant le vote de la partie législative, ne faisant même plus semblant de penser que le Parlement pourrait intervenir sur le fond de cette réforme.
En plus de la forme, le fond de ce projet de code questionne et n’apparaît motivé que par des impératifs gestionnaires, le but étant finalement de faire « plus vite », sans s’en donner les moyens, au détriment de la qualité de l’accompagnement éducatif. In fine l’efficacité de la réponse apportée aux passages à l’acte délinquants est laissée de côté.
« Plus de répression et toujours moins d’éducation »
Pourtant, la « lenteur » de la justice des mineur.e.s, parfois réelle, n’est pas particulièrement liée à la procédure actuellement applicable. Elle est due principalement au manque de travailleuses et travailleurs sociaux pour assurer les mesures éducatives ordonnées dans des délais adaptés ainsi qu’au manque de greffier.ère.s et de magistrat.e.s pour juger dans des délais raisonnables. De même les passages à l’acte délinquants de certains enfants sont souvent la conséquence de carences bien en amont dans leur prise en charge au pénal, faute de services de prévention et de protection de l’enfance suffisamment solides et nombreux.
Sans tenir compte de ces constats ni en tirer les enseignements nécessaires, le gouvernement préfère dessiner un projet centré sur l’accélération de la réponse pénale, au détriment du temps éducatif. Bien loin de revenir aux fondamentaux de l’ordonnance du 2 février 1945, maintes fois dénaturés, ce projet ne fait que conforter un progressif abandon de la spécificité de la réponse devant être apportée aux enfants, par rapport aux adultes, vers toujours plus de répression et toujours moins d’éducation.
« La question aujourd’hui est donc celle de la faisabilité matérielle d’une telle réforme en l’état des services de protection de l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse, des barreaux et des tribunaux pour enfants. » (Les signataires de la tribune)
En effet, comme nous avons déjà pu l’indiquer à maintes reprises avant la crise sanitaire et depuis celle-ci, le réel problème de la justice des enfants, qu’elle soit pénale ou civile, est avant tout l’indigence de ses moyens, qui ne sera nullement résolue par les moyens alloués dans la loi de finances 2021 principalement concentrés sur le pénitentiaire et sur le recrutement de contractuels précaires, bénéficiant d’une formation de moindre qualité, voire aucune, ce qui n’est pas sans poser des difficultés majeures quand il s’agit de prendre en charge des enfants en souffrance.
Lire la tribune entière en écriture inclusive sur francetvinfo.fr