Je me suis refusé à voir cette vidéo (comme celle de Saddham Hussein et, par extension, toutes celles qui participent de la logique impériale de mise en scène et de trivialisation de la barbarie).
Il y a, évidemment, le problème du voyeurisme, mais surtout, je ne suis pas assez naïf pour me croire intellectuellement immunisé contre les effets toujours potentiellement corrupteurs de ce genre de représentation.
Le premier stade de la propagande consistant souvent à faire croire à celui qui en est l’objet qu’il demeure par ailleurs, et en toutes circonstances, un être libre, conscient, souverain dans sa pensée et dans ses opinions, je me méfie de ces images qui sont toujours associées à une forte suggestibilité, de nature inconsciente. Quoique l’on pense, il est difficile de refouler le spectacle pénible - et l’enseignement qui en découle - d’un adversaire politique humilié publiquement et émasculé (et pas de manière purement symbolique, à ce que j’ai compris).
N’importe quel type dont la vie se répartit de façon millimétrique autour d’un job salarié, dévoué à une fonction hautement spécialisée et abstraite, de l’achat d’un pavillon standard, avec, pour seule échappatoire annuelle, la perspective de la quinzaine passée sur les sables chauds de la Méditerranée ou d’un pays pauvre, se jugera pourtant dans 90% des cas libre et autonome en son âme et conscience : pire, il reconnaîtra dans son état de dépendance absolue le summum de la vie civilisée et individuelle.
Donc, je ne crois plus tellement à une propagande ouvertement dominatrice et bureaucratique à la Orwell, dont le paradigme ne correspond plus vraiment à mon sens à la réalité de la domination contemporaine, beaucoup plus subjectiviste et que préfigurait parfaitement les oeuvres visionnaires de Philip K Dick (auteur qui à mon avis devrait être intégré à tout corpus de lecture anti-impérial... mais surtout pas les films tirés de son oeuvre)
De plus tout cela rappelle les pratiques d’un autre Imperium. Les Romains avaient en effet pour habitude d’exhiber leurs ennemis vaincus à travers des mises en scènes humiliantes, ou de crucifier les ennemis de l’intérieur (rebelles, spartakistes) au bord des voies routières, pour l’édification publique.
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