C’est toute la problématique de la socioculture, 100 ans après la mort du grand pamphlétaire. Admirons la grâce avec laquelle le système médiatico-culturel essaye de se débarrasser du côté encombrant de Bloy – antibourgeois, et ça comprend les bourgeois de toutes confessions – tout en fêtant le Bloy anticlérical ou social. Mais Bloy était d’une pièce, et d’une pièce insécable.
C’est très français de fêter un de ses grands écrivains mais de passer sous silence la partie qui déplaît au pouvoir du jour. Et notre époque est socialo-sioniste. Or Bloy était un combattant de Dieu, pour Dieu, et tout ce qui faisait obstacle à cette foi en mouvement était pulvérisé dans ses écrits.
La France vivant sous le règne de la censure susnommée, il ne reste d’acceptable de Bloy que le Bloy social, pas le Bloy politique. Séparer les deux, c’est comme couper la strophe qui déplaît d’un poème de Rimbaud.
Le problème, c’est que Bloy, malgré sa verve, est tout en finesse : catholique ultra sans être soumis à la hiérarchie de l’Église, pourfendeur des puissances de l’argent sans être antisémite.
Une confusion bien pratique qui a été à la base de l’affaire Bloy en 2013, qui a vu Alain Soral condamné pour avoir publié Le Salut par les juifs, ouvrage qui n’avait jamais été interdit nulle part pendant 121 ans. Il a au contraire été régulièrement réédité, mais il a fallu que la LICRA l’assimile à la « haine » pour le faire retirer de la vente sur le site de Kontre Kulture.
Admirons enfin, pour la bonne bouche, la peur du préfacier des essais et pamphlets de Bloy en fin d’article... obligé de montrer patte blanche à qui-vous-savez dans un esprit absolument opposé à celui de Léon Bloy ! Quel exemple ! L’imposteur tremblant a osé écrire qure c’était Alain Soral qui avait fait passer Le Salut par les juifs pour un ouvrage antisémite, or il s’agit bien d’une décision de « justice » de la LICRA.
Le courage de Bloy se serait-il perdu en route chez les « élégants du sacerdoce » ? On notera tout de même que ce texte édité en 1892 est considéré comme « philosémite » par le préfacier en question. Comprenne alors qui pourra la décision de « justice » de 2013...
« Je fais des livres qui vivront mais qui ne me font pas vivre » : ainsi parlait l’écrivain Léon Bloy, « mendiant ingrat » à la langue tranchante. Cent ans après sa mort, le « catholique absolu » est de fait lu et célébré, sinon toujours compris.
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Bloy est de retour : dans la presse, qu’il vomissait pourtant (« la grande vermine »), et jusque dans les mots du pape François, qui l’a cité dès son premier sermon pontifical en mars 2013 (« Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le Diable »).
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Converti au catholicisme après la rencontre de l’écrivain Barbey d’Aurevilly, père littéraire et spirituel, l’ancien socialiste révolutionnaire va demeurer un anticlérical moquant les « élégants du sacerdoce ». Le tout dans une langue nourrie de symboles, pleine de références à la Bible – lue en latin –, hérissée de mots rares. Un verbe drôle souvent, féroce toujours, jusqu’à l’outrance.
« Que pour Dieu »
Mais attention, prévient Emmanuel Godo, qui vient de signer un Léon Bloy, écrivain légendaire (Cerf) : « L’une des caricatures les plus tenaces est de le réduire au pamphlétaire, à la figure truculente du combattant ».
Or, il « n’est pas dans la pose littéraire, c’est un homme qui vit l’Évangile et l’éthique de pauvreté à plein. C’est le prix de sa liberté », poursuit l’essayiste en écho à la misère que l’écrivain a dû affronter. « La vérité bien nette, et qui éclate dans tous mes livres, c’est que JE N’ECRIS QUE POUR DIEU », a martelé l’intéressé, en capitales dans le texte.
Pourtant, Bloy sent encore le souffre. En 2013, la justice a partiellement censuré Le Salut par les Juifs, parmi d’autres écrits réédités par le polémiste d’extrême droite Alain Soral. « Une très mauvaise aventure », se souvient le frère dominicain Augustin Laffay, préfacier des « Essais et pamphlets » de Bloy fraîchement réunis dans la collection Bouquins (Robert Laffont).
« Soral a commis une vilenie en faisant passer ce livre pour antisémite, ce qui est impossible. »
Et le théologien de rappeler que ce texte de 1892, certes dérangeant, était une réplique de Bloy à l’antisémite Drumont. Bernard Lazare, héros de l’affaire Dreyfus, l’a d’ailleurs jugé philosémite, comme Kafka, Bernanos, Claudel ou encore Lévinas.