Unies par le slogan « Je n’ai pas peur », plus de 100.000 personnes ont marché samedi à Barcelone contre la violence jihadiste, en présence du roi d’Espagne, copieusement hué par une partie des manifestants porteurs de drapeaux indépendantistes catalans.
Dans un tweet, la police municipale a même avancé qu’« un demi-million de personnes étaient sorties dans les rues », en réaction aux attentats de Barcelone et Cambrils qui ont fait 15 morts et 126 blessés les 17 et 18 août.
Répondre à la haine par la paix
Dans la deuxième ville d’Espagne qui se revendique « cité de paix, d’accueil et de coexistence », cette manifestation unitaire a appelé, sur tous les tons, à ne pas faire d’amalgame entre islam et jihadisme.
« La meilleure réponse : la paix » ou « Non à l’islamophobie », pouvait-on lire sur de nombreuses pancartes. La porte-parole d’une fondation promouvant la diversité, Míriam Hatibi, foulard sur la tête, a lu devant la foule l’un des principaux messages : « Nous n’avons pas peur et nous ne consentirons pas à ce que le terrorisme nous humilie et nous vainque, parce que quand ils nous frappent, au lieu de nous diviser, ils nous trouvent plus unis que jamais. »
Revendiqués par l’organisation État islamique (EI), les attentats de Catalogne ont été perpétrés par six Marocains âgés de 17 à 24 ans ayant grandi ensemble dans la petite ville catalane de Ripoll. Tous ont été tués par la police.
Dans cette ville pyrénéenne, Hafida Oubakir, soeur d’un jihadiste de 17 ans à Cambrils, a lu – entre des sanglots – un discours appelant à « rejeter le message islamiste » et « une idéologie perverse qui n’a ni rime ni raison », retransmis en direct par la télévision catalane.
Quelques jours plus tôt, devant des caméras, le père d’un enfant de trois ans tué sur les Ramblas avait pris dans ses bras l’imam de sa ville catalane de Rubi. « Cette accolade symbolise la défaite de ceux qui nous ont fait mal », avait commenté la maire de Barcelone Ada Colau.
Rejet de la dictature en musique
« Les gens confondent parfois le fidèle d’une religion avec une personne qui devient psychotique avec l’idée de tuer des gens mais c’est une erreur très dangereuse », disait une manifestante portugaise de 18 ans, Ana Francisca Ramos, étudiante en médecine venue en touriste à Barcelone.
Le tout premier rang de la manifestation avait été réservé à ceux qui, dès la première minute, s’étaient occupés des victimes : policiers, pompiers, chauffeurs de taxis, habitants et commerçant des Ramblas.
À la fin de la marche, la foule a écouté recueillie deux violoncellistes interpréter le Cant dels ocells (« Chant des oiseaux »), une chanson traditionnelle catalane dont le musicien catalan Pau Casals (1876-1973) avait fait un symbole du rejet de la dictature de Francisco Franco.
Felipe VI est devenu le premier souverain espagnol à participer à une manifestation depuis le rétablissement de la monarchie en 1975. Ministres, chefs de partis, maires et présidents de régions étaient également venus en grand nombre.
Huées
À leur arrivée, Felipe VI et et le chef du gouvernement Mariano Rajoy ont cependant dû essayer des huées et sifflets, répétés ailleurs dans le cortège quand ils apparaissaient sur écran géant.
Mais comme pour un jour de trêve, M. Rajoy marchait non loin du président catalan, Carles Puigdemont – toujours résolu à organiser un référendum d’autodétermination le 1er octobre malgré l’opposition catégorique de Madrid.
Un millier de Catalans munis de drapeaux indépendantistes s’étaient joints au cortège, en reprochant notamment à l’État espagnol de vendre des armes à des pays accusés de liens avec l’islamisme radical. « Vos politiques, nos morts », criaient-ils, en dénonçant le fait que l’Espagne espère vendre cinq navires de guerre à l’Arabie saoudite.