...c’est ce qu’on appelle des logiques anti-mémorielles pour effacer la mémoire...
...comme avoir recouvert d’arbres les ruines de centaines de villages palestiniens rasés en 1948, au lendemain de l’expulsion de plus de 750 000 hommes, femmes et enfants.
Cette colonisation n’a pas seulement vidé la terre de ses habitants ; elle a tenté d’en reconfigurer le visage.
Dès sa proclamation, l’État israélien s’appropria plus de 250 000 acres de terres, déclarées « abandonnées » par ceux-là mêmes qui avaient expulsé leurs propriétaires.
Peu après, ce chiffre grimpa à 600 000 acres, transférés en grande partie au Jewish National Fund (JNF) — non pour restituer la terre, mais pour la redessiner, la replanter, la renommer.
Créé en 1901, le JNF, bien qu’enregistré comme organisation caritative dans plusieurs pays occidentaux, fut le bras foncier du projet sioniste.
À travers les fameuses boîtes bleues distribuées dans les synagogues et foyers de la diaspora, il collectait les dons nécessaires pour l’achat de terres, leur clôture, leur réinvention.
Moins de 4 % de la Palestine historique avaient été acquis légalement avant la Nakba.
Ce fut par la dépossession massive, ensuite, que le JNF s’enrichit.
Le vert devint une arme. Le slogan disait : « redonner vie au désert ». Mais la terre n’était pas vide ; elle avait été vidée.
Le reboisement camouflait les ruines, effaçait les traces, transformait les décombres en parcs.
L’American Independence Park, élevé sur sept villages rayés de la carte, en est le symbole.
L’arbre choisi — le pin européen — trahissait l’intention : non pas s’enraciner dans la Palestine, mais l’européaniser. Substituer au Levant millénaire une carte postale venue du nord.
Ce paysage artificiel, ce greenwashing avant l’heure, fut une opération d’esthétique politique, un camouflage par le vivant. Planter des arbres pour étouffer les voix.