Laurent Guyénot – L’Empire raté : les origines médiévales de la désunion européenne
27 mai 2024 00:06, par PalumbusC’est toujours un plaisir de lire et écouter Laurent Guyénot dont la vision originale vient bousculer un certain prêt-à-penser agaçant qui règne presque sans partage dans la sphère natio-dissidente française (d’où les réactions hystériques qu’il suscite fréquemment).
J’aimerais apporter une nuance sur un fait énoncé dans la conférence, peut-être secondaire mais à mon sens révélateur de cet anti-germanisme français qu’évoque également L. Guyénot : la question de l’intégration des Germains au monde romain. L’historiographie française considère qu’en adoptant la langue et la religion des populations qu’ils soumirent, les Germains installés en Gaule s’assimilèrent totalement et devinrent effectivement "plus romains que les Romains", d’autant plus qu’ils reprirent le flambeau politique de l’empire romain. Or, à y regarder de plus prêt, c’est en fait une assimilation mutuelle qui s’opéra : les Francs mais aussi les nombreux Saxons, Alamans & cie qui s’établirent en Gaule y répandirent leurs anthroponymes, un grand nombre de leurs coutumes et des leurs mœurs, leur façon de se vêtir et de combattre, eurent une influence importante tant sur le phonologie que sur le vocabulaire des langues d’oïl. C’est le droit coutumier d’inspiration germanique qui domine la moitié nord de la France médiévale. Même dans le sud, la grande majorité des prénoms donnés sont germaniques jusqu’au XIe siècle. Les mentalités sont pendant longtemps empreintes d’un clanisme et d’un machisme étranger au monde romain christianisé (faide, mariage par rapt, etc.).
Pour faire dans la provocation : si demain les immigrés arabo-musulmans installés en France abandonnaient l’islam et l’usage de la langue arabe, mais qu’en même temps la population française dans son ensemble se mettait à nommer ses enfants Jamal, Fatiha ou encore Samba, adoptait la djellaba, parsemait son parler de "salam" et "sah" entre deux gorgées de vin, veillait jalousement sur l’honneur des femmes de la famille et habitait Rachidville, Mehdicourt et autres Kasbah-en-Auxois, pourrait-on réellement parler d’une assimilation réussie ?
Il serait souhaitable que les historiens français révisent leur vision sur le sujet. Hélas on observe l’inverse avec les récentes publications de Bruno Dumézil qui va jusqu’à remettre en question la germanité des Francs, à rebours de toutes les avancées génétiques, linguistiques, etc. de ces dernières années mais s’inscrivant (hélas) parfaitement dans cette tradition historiographique française.