Depuis quelques temps, Libération et Les Inrocks enchaînent les unes tapageuses sur la grande menace réactionnaire. Ils emboîtent le pas à certains politologues et journalistes pressés de décrire l’époque comme un retour à l’esprit des années 30, avec ses ambiguïtés, ses menaces, et son ambiance de panique morale. Il est difficile de ne pas relever ici le tour de passe-passe idéologique et médiatique d’une certaine gauche culturaliste visant à se donner une contenance morale face à un épouvantail commode.
Seulement, limiter le phénomène à une resucée de l’antifascisme stalinien n’épuise pas le sujet. La vague réac est devenue aussi partie intégrante de l’industrie de l’entertainement, et tous les plateaux télé en veulent un, comme ils voulaient un comique « anticonformiste et irrévérencieux » (mais qui pense dans les clous quand même) pour animer leur shows il y a encore quelques années.
Elle renvoie autant à l’émergence d’intellos de droite qu’aux règlements de comptes internes à la gauche, à la critique de l’époque et au ralliement à l’atlantisme, au rejet du multiculturalisme et au néorépublicanisme, ce qui nous oblige à raffiner un peu la typologie réacs/pas réacs. Pour s’y retrouver, il est possible de distinguer (en gros !) trois sous-catégories de réacs : la gauche pop, les vrais réacs et les intellos antimodernes.