Sur le modèle des Turcs « incités » au départ dans les années 80, avec les incendies de foyers, voici que les centres d’accueil pour réfugiés commencent à brûler en Allemagne. Il semble que les Allemands ne soient pas tous d’accord avec l’humanisme intéressé de Merkel et du grand patronat.
Nous sommes samedi 19 septembre, 330 lits ont été préparés dans la salle des sports de Wertheim (Bade-Wurtemberg, au sud-ouest du pays, le Land coincé entre la France et la Bavière) pour accueillir des migrants. Mais dans la nuit de samedi à dimanche, un feu se propage dans le bâtiment vide. Un incendie criminel, selon le porte-parole de la ville : la porte de derrière montre des traces d’effraction. L’incendie a été maîtrisé par les pompiers, mais le gymnase est désormais inutilisable : il risque de s’écrouler.
Le maire CDU (droite chrétienne) de cette petite ville de 22 500 habitants est bouleversé. Il venait tout récemment de s’adresser au gouvernement national pour réclamer de l’aide : les bénévoles étaient en train de préparer l’arrivée de 400 étrangers, alors que 600 réfugiés vivaient déjà dans un quartier de… 900 habitants. Les bénévoles, qui n’avaient pas compté leur temps et leur énergie pour monter ce centre d’accueil, ont manifesté pour soutenir les migrants aux cris de « Wertheim reste une ville ouverte ».
Le ministre de la Justice Heiko Maas a déclaré via Twitter que « chaque incendie contre des centres d’accueil est une agression contre nous tous, une agression contre notre société ».
L’écologiste Uli Sckerl a déclaré, pour sa part : « Nous protégerons notre démocratie avec tous les moyens de l’Etat de droit contre les criminel de la haine. »
Voir le travelling des dégâts :
Avant cela, le maire avait donc lancé un appel au gouvernement, en soulignant que les capacités d’accueil de sa ville étaient dépassées, et qu’elle risquait d’exploser sous la pression démographique. Samedi, justement, le jour de l’incendie, la ministre de l’Intégration du Land de Bade-Wurtemberg, Bilkay Öney (SPD, les sociaux-démocrates), lui assurait que le gymnase ne serait pas occupé de manière durable par les réfugiés, mais qu’on ne pouvait pas non plus le garantir. Un passage en force qui n’est visiblement pas passé.
Bilkay Öney, la ministre de l’Intégration du Land, s’est fait remarquer à coups de déclarations dérangeantes sur la communauté turque en Allemagne, estimée à 2,6 millions de personnes. Exemple : « Plus il y aura de Turcs, plus les problèmes seront nombreux en Allemagne. » Sans oublier une sortie délicate sur le niveau intellectuel de ses coreligionnaires, qui passent cinq fois plus de temps que les Allemands devant la télé…
Le rapprochement germano-turc date de Bismarck. Comme l’écrit Le Monde Diplomatique en 2008, « le général prussien Colmar Freiherr von der Goltz — surnommé « Goltz Pacha » — fut chargé de réorganiser l’armée ottomane, et les futurs cadres de la révolution des Jeunes-Turcs de Mustafa Kemal Atatürk vinrent parfaire leur formation en Allemagne. »
Mais c’est en 1961 que l’Allemagne, qui a besoin de bras, à l’instar de la France, ouvre grand ses portes : notre voisin compte alors 180 000 chômeurs inscrits, contre 500 000 postes à pourvoir. La reconstruction n’attend pas. Dix ans plus tard, les travailleurs en majorité issus d’Anatolie sont près d’un million. Le regroupement familial – comme chez nous – amènera chaque année 200 000 Turcs en plus en Allemagne. Sauf qu’en 1997, les Allemands mettent un terme à la double nationalité. Du coup, les Turcs doivent choisir, et le nombre des naturalisations chute. Aujourd’hui, un tiers des Turcs sont allemands.
Schéma : en rouge les grands centres d’accueils, en orange les incendies volontaires, en marron les attaques sur réfugiés, et en noir les attaques contre les centres d’accueil.
Depuis cet été 2015, on ne compte plus les attaques sur des installations prévues pour les réfugiés. La politique globale est une chose, la réalité locale en est une autre. Pour la petite histoire, les autorités allemandes des années 80 ont été accusées de laisser faire les néonazis, qui s’attaquaient à des foyers de travailleurs turcs. On apprendra par la suite que la plupart de ses groupes étaient inflitrés par les services allemands... Les amateurs de "montages des services" apprécieront l’histoire édifiante de Tino Brandt, du groupe Thüringer Heimatschutz, responsable de 10 meurtres de Turcs et autres étrangers dans les années 90.
Voir la manifestation d’extrême droite contre les salafistes qui a choqué l’Allemagne en septembre 2014 :