La crise de la Grèce pourrait avoir des conséquences plus directes pour les contribuables européens qu’ils ne se l’imaginent.
Avec certains des fonds qu’ils ont collectés avec leurs produits d’assurance-vie, les assureurs ont acquis des obligations européennes, parce que, de leur point de vue, c’est l’un des placements les plus sûrs.
Si des pays font faillite, certaines de ces obligations ne seront pas honorées, et les banques, les compagnies d’assurance, et les souscripteurs des contrats d’assurance-vie, en seront pour leurs frais. Ce scenario est inacceptable pour le marché, aussi les politiques préfèrent faire payer le contribuable.
Ce sont désormais les Banques centrales qui, en finançant les banques commerciales, permettent aux Etats de couvrir leurs déficits budgétaires, puisque ceux-ci se tournent vers ces dernières pour obtenir des fonds. C’est ce que l’économiste Jacques Attali appelle la démocratie financière : les dettes de l’Etat sont transférées sur les banques centrales.
En situation de crise, et à court terme, cela fonctionne, parce que les entreprises sont moins emprunteuses, et la demande de l’Etat ne génère pas d’inflation. Mais à longue échéance, il ne sera pas possible de maintenir la crédibilité des banques centrales, parce qu’il faut un Etat fort pour garantir cette crédibilité.
Or, même dans cette hypothèse, lorsque les politiciens refusent de creuser davantage le déficit budgétaire exorbitant et renoncent à engager des dépenses d’investissement pour le pays, en matière d’éducation, de recherche, d’environnement, d’industrie, ils aboutissent à laminer le consensus social, et à fragiliser le gouvernement.
A ce moment-là, tout prétexte peut déclencher une nouvelle crise qui mettrait les banques centrales elles-mêmes en faillite, et nos démocraties financières s’effondreront avec elles, poursuit Jacques Attali.
Rebondissant sur la déclaration de Jean-Claude Trichet, recommandant la création d’un poste de Ministre des finances pour l’Europe, Jacques Attali conclut donc : « Il est donc temps, plus que temps, d’utiliser ce moment très particulier pour rendre à la démocratie et au marché leurs doubles réalités : l’une chargée de la satisfaction à long terme des besoins collectifs.
L’autre de celle des biens privés. Pour l’Europe, cela voudrait dire donner le pouvoir ultime à des instances proprement politiques, pour qu’elles se décident enfin à servir les intérêts géopolitiques du continent. »