"Il est important de bâtir des ponts et non des murs". Vladimir Poutine, sommet de l’APEC, 09 septembre 2012.
Vladivostok, a accueilli les 8 et 9 septembre le 24ème sommet de l’APEC. L’APEC ou Coopération économique pour l’Asie-Pacifique a été créée en 1989.
C’est un forum économique visant à faciliter la croissance économique, la coopération, les échanges et l’investissement de la région Asie Pacifique.
L’APEC comprend 21 membres, principalement des états du pourtour pacifique dont la Russie et la Chine, bien que de nombreux état d’Asie et d’Amérique du sud cherchent à intégrer l’APEC, que l’on pense à l’Inde, à la Mongolie, au Pakistan, au Laos, au Bangladesh, au Costa Rica, à la Colombie, au Panama ou encore à l’équateur. En 2012 les membres de l’APEC représentent 40% de la population mondiale, 54% du PIB de la planète et 44% des échanges économiques.
Pour la Russie qui organisait pour la première fois un sommet de l’APEC, le symbole était important. Vladivostok est en effet une citadelle russe au bord du pacifique, face à l’Asie. Alors qu’1/4 du territoire russe se trouve en Europe, l’Europe pourtant en crise, correspond à plus de 50% des échanges économiques extérieurs de la Russie. A l’inverse, les ¾ du territoire russe situés en Asie ne correspondent aujourd’hui qu’à ¼ de ses échanges commerciaux extérieurs.
Bien consciente des nécessités à équilibrer leur partenariat économique entre l’Est et l’Ouest, les autorités russes semblent donc réellement décidées à miser sur la carte Asie/Pacifique, le président russe affirmant qu’il s’agissait "d’une des priorités de la politique étrangère du pays". Signe de ce basculement entamé depuis la crise financière de 2008 et bien que les échanges économiques avec l’UE aient considérablement augmenté durant la dernière décennie, c’est la Chine qui est devenu le principal partenaire économique de la Russie en 2009, devant l’Allemagne.
Il n’y a là aucune nouveauté cela dit, puisque le président russe durant sa campagne présidentielle avait rappelé dans une de ses déclarations l’importance de la zone asiatique pour la Russie en affirmant nécessaire de "gonfler les voiles de l’économie russe avec le vent chinois (…) et en "mettant à profit le potentiel chinois, aux fins de relance économique de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russes afin de (…) permettre à la Russie de rejoindre les processus dynamiques d’intégration au sein de la "Nouvelle Asie".
Ce terme de "Nouvelle Asie" prend de plus en plus forme au fur et à mesure que le développement de l’Union douanière et de l’Union eurasiatique, prélude à l’Union économique eurasienne devraient constituer le moteur d’une intégration étroite avec l’Asie-Pacifique et donc entrainer la Russie, dans un destin stratégique euro-asiatique, pont entre l’Europe et l’Asie. Cette position stratégique russe à d’ailleurs été validée par le vice-ministre russe Igor Chouvalov, qui a appelé la Russie à "regarder à l’Est".
Alors que nombre de commentateurs ont mis le doigt sur les investissements colossaux que le Krai du Primorie et sa capitale Vladivostok ont reçu ces dernières années (en prévision notamment de ce sommet de l’APEC), il est évident que la portée symbolique et stratégique de ce sommet est ailleurs.
L’incroyable pont de l’Ile Rousski (auquel les Français ont apporté leur contribution pour sa construction) est un symbole des moyens que la Russie est prête à déployer pour se tourner vers le monde asiatique.
Comme le souligne Andreï Fédiachine, les membres de l’APEC ont compris à Vladivostok quelle direction économique va adopter la Russie pour les prochaines années. La "fenêtre vers l’Europe" existe déjà, et Moscou a commencé la construction d’un "pont vers l’Asie" et sans doute de l’ouverture d’une "nouvelle fenêtre sur l’Extrême-Orient".
L’ouverture de cette "fenêtre sur l’Extrême-Orient" et donc vers la zone eurasiatique est donc peut être un changement stratégique fondamental. A cette fin du reste, la Russie vient de se doter d’un ministère pour le développement de l’Extrême-Orient russe, destiné à trouver des moyens de revivifier cette immense région, relativement sous-peuplée mais capitale pour la Russie d’aujourd’hui et de demain.
Avec la montée en puissance des BRIC, dont 2 pays (Chine et Inde) sont des pays asiatiques et le développement d’une union eurasiatique qui se veut résolument orientée à l’Est, il convient de s’interroger sur cette nouvelle vision centrée sur l’Asie, pour un pays organiquement européen comme l’est la Russie d’aujourd’hui. Et si la Russie montrait le chemin à l’Europe pour ce siècle : après la Pax-americana, la Pax euro-asiatica ?