Il avait pourtant clairement annoncé la couleur. Le 9 avril, cinq jours avant l’élection présidentielle, Henrique Capriles déclarait : « Je ne suis pas le même que le 7 octobre, je défendrai les votes [1]. » Dès le lendemain, le président de l’Assemblée Nationale, Diosdado Cabello, présentait sur la chaine publique des preuves confirmant les intentions de la droite de contester les résultats électoraux afin de tenter un coup d´État coloré au Venezuela [2].
Au soir des élections, malgré une différence de 272 865 votes [3]en faveur du candidat socialiste Nicolas Maduro, le candidat de la droite refuse d´admettre sa défaite. Pourtant, tous les observateurs internationaux insisteront sur la transparence des élections vénézuéliennes. Vicente Diaz, un des recteurs du Centre national électoral (CNE), ouvertement lié aux partis d´opposition, affirmera n´avoir « aucun doute sur le résultat de l´élection [4] » donnant comme vainqueur l´héritier d´Hugo Chávez.
Voilà bien la seule promesse que le candidat de la droite aura tenu. Oubliée la rhétorique d´union, de paix et de sécurité qu´il vociférait encore une semaine auparavant. Il appelle ses partisans à se mobiliser afin d´obtenir un audit total des résultats. Curieuse manière démocratique de l´obtenir que d´envoyer les ultras de la droite prendre les rues du pays.
La loi électorale vénézuélienne est pourtant très claire. Elle oblige les candidats à remettre au CNE des preuves de fraude, et dans le cas où celui-ci les rejette, un appel est possible par le Tribunal Suprême de Justice. Aucune démarche administrative n´a été engagée. Il est vrai que ces accusations ne résistent pas au fait que les membres de l´opposition désignés pour superviser les bureaux de vote ont tous donné leur aval aux résultats dans leur centre électoral respectif [5]. Qu´importe, le but recherché n´est pas de renforcer la démocratie électorale mais bien de lancer un coup d´État soft dans le meilleur style des précédents en Serbie, Géorgie, Ukraine, Iran, etc. Les jeunes néofascistes qui, aujourd´hui, mettent le pays à feu et à sang ont pour la plupart été formés en Serbie par le groupe Otpor, et se revendiquent des techniques de l´Albert Einstein Institution, matrice idéologique des Révolutions colorées [6].
Dès l´annonce de Capriles, des groupuscules néofascistes déferlent dans les rues du pays. Des symboles du chavisme sont détruits, des militants attaqués et assassinés, des petits commerces sont saccagés et brulés. On dénombrera 7 morts et 61 blessés, par balles pour la plupart. Cinq sièges régionaux du Parti socialiste uni du Venezuela (Psuv) sont dévastés par les flammes, tout comme douze cliniques populaires où officient des médecins cubains.
Dans l´État du Lara, où le gouverneur Henri Falcon est aussi le chef de campagne de Capriles, la police régionale à ses ordres ne fait rien pour empêcher la déferlante de haine. Dans la nuit, une grand-mère m´appelle de Barquisimeto, la capitale régionale : « Je suis barricadée dans la buanderie avec ma sœur, des personnes sont en train d´essayer de défoncer la porte. » Par la petite lucarne qui la relie au monde extérieur, elle verra ses propres voisins, torches en main, aller brûler la clinique publique du quartier située en face de la maison. D´autres camarades nous témoigneront de scènes semblables qu´ils ont vécues, eux et leurs familles. Ils ne feront pas la une des journaux, et pourtant ils sont très nombreux à avoir été agressés de la sorte par les hordes fascistes.
Le président de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, appellera ses partisans outragés au calme, à ne pas faire le jeu de la violence et à laisser la police et la garde nationale rétablir l´ordre. À Capriles, il lance : « Si tu ne me reconnais pas comme président, je ne te reconnais pas comme gouverneur de Miranda. » Ultimatum logique puisque les règles de l´élection de Capriles, en décembre dernier, furent exactement les mêmes que celles qui ont permis à Maduro d´être élu président.
Le bras de fer est engagé, et ne semble pas tourner en faveur de l´ancien candidat de la droite. La plupart des dirigeants mondiaux ont reconnu Maduro comme le nouveau président du Venezuela : les pays latino-américains dont les gouvernement de droite de Colombie, du Chili et du Mexique ; les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), plusieurs pays d´Afrique, ainsi que certains pays européens comme l´Espagne. Les États-Unis refusent toujours de reconnaitre la légitimité du processus démocratique vénézuélien.
L´armée vénézuélienne a reconnu Nicolas Maduro comme son nouveau « chef des armées », tâche qui incombe au président de la République, et a réitéré son engagement à préserver la paix et la sécurité. Par la voix de Wilmer Barrientos, chef du Commandement stratégique opérationnel, elle a invité les vénézuéliens à respecter les lois et les règles de la démocratie [7].
Même si la droite compte maintenir sa stratégie de tension en envoyant les mêmes groupes vêtus du rouge chaviste pour faire porter la responsabilité des violences au gouvernement, le spectre d´un coup d´État soft parait être écarté. Nicolas Maduro sortira renforcé de cette épreuve de force. En revanche, les messages de paix et d´union de Capriles ont volé en éclat. Des personnes ont été assassinées, blessées ou maltraitées pour avoir commis l´outrage de ne pas se reconnaitre dans le discours du responsable des violences actuelles au Venezuela. Les masques tombent et le fascisme a désormais un visage.
Romain Migus, Caracas, le 17 avril 2013