Le documentaire L’Ukraine n’est pas un bordel présenté ce matin à la Mostra de Venise révèle qu’un homme a créé et dirigé les Femen. Il faisait peu de cas de « ses filles », qu’il considérait comme des esprits faibles. Il ne ferait désormais plus partie du mouvement.
Un patriarche abusif a créé et dirigé les Femen, selon le documentaire L’Ukraine n’est pas un bordel de l’Australienne Kitty Green. Il s’appelle Victor Svyatski et organisait dans le plus grand secret les happenings contestataires du groupe féministe en lutte contre le patriarcat et les violences faites aux femmes (prostitution, tourisme sexuel, femmes battues…).
Attiré sexuellement par les Femen
Dans le documentaire diffusé à la Mostra de Venise, on le découvre donnant de façon autoritaire des instructions très précises sur le déroulement des opérations à quelques activistes du mouvement, en n’hésitant pas à payer certaines pour leur contribution politico-artistique, notamment pour un happening mené dans le cadre de l’Euro 2012 de football, organisé par l’Ukraine et la Pologne.
Victor Svyatski se comportait avec ses filles (dont il confesse qu’elles lui plaisent sexuellement, on n’en saura pas plus) au mieux comme un metteur en scène, au pire comme un mac en charge d’un juteux plan marketing. « C’est vrai, reconnaît-il face caméra, je suis le patriarche d’une organisation qui lutte contre le patriarcat. Mais les paradoxes font partie de l’Histoire, et après tout Marx et Lénine étaient des bourgeois. »
« Ces filles sont faibles »
Il était l’éminence grise du mouvement : on le respectait, on le redoutait, on en avait peur. « Il pouvait être horrible avec les Femen, explique Kitty Green, qui a vécu avec les activistes ukrainiennes pendant une année. Il leur criait dessus et les traitait de salopes. »
L’homme a peu de considération pour les femmes. On l’entend dire de « ses » Femen : « Ces filles sont faibles. Elles n’ont pas un caractère fort. Elles n’ont même pas le désir d’être fortes. Elles se montrent soumises, molles, pas ponctuelles, et des tas d’autres facteurs les empêchent de devenir des activistes politiques. Ce sont des qualités qu’il est essentiel de leur apprendre. »
Le mouvement décrédibilisé ?
Quelques-unes des figures féminines marquantes de Femen confessent leur désarroi. « La première fois que j’ai rencontré Victor, témoigne l’une d’entre elles, je lui ai demandé qui il était. Il m’a répondu : “Je suis le père du nouveau féminisme.” » Une autre est plus directe : « Victor, c’est un homme qui veut contrôler des femmes. Un brillant exemple, en somme, d’une nouvelle forme de patriarcat. »
Nous demandons mercredi midi à Inna et Sasha Shevchenko, activistes de Femen présentes sur la Mostra, si cette révélation paradoxale sur les origines masculines du mouvement féministe ne risque pas de fragiliser, voire de décrédibiliser en profondeur le message du mouvement. « Peut-être, réagit Sasha. Nous verrons bien. C’est un féminisme patriarcal, d’accord, mais ma conviction c’est que nous n’aurions jamais pu créer une idéologie aussi forte si nous n’avions pas vu de près cet exemple fou de patriarcat. Je suis reconnaissante d’avoir connu ce type d’hommes, que je déteste et qui ruinent la vie de la femme. Il y a des millions d’hommes de ce genre dans mon pays, en France en Italie ou chez vous. Alors il faut garder cette image de Victor dans nos esprits pour devenir plus forte et plus agressive contre le système patriarcal. »
Il ne ferait plus partie des Femen
Victor Svyatski ne ferait aujourd’hui plus partie de Femen, assurent les deux activistes. « Quand on a compris qu’on ne pouvait plus être sous son pouvoir fou, nous avons dû lutter contre lui. Aujourd’hui, nous sommes finalement prêtes à travailler ensemble. Et on se l’est promis : il n’y aura plus jamais d’hommes entre nous. »