Ça vient de tomber : les grandes puissances se disent prêtes à aider le gouvernement d’union nationale de Libye. Parce que l’État islamique lui taille des croupières sur son propre territoire. Voilà, on y est. C’est la phase 2 de la déstabilisation.
Le racket comme principe essentiel
C’est drôle, la géopolitique se rapproche, sous un discours plus acceptable et surtout plus prestigieux, de la délinquance la plus crasseuse. Quand une mafia veut racketter un nouvel arrivant dans un quartier commerçant, elle envoie d’abord des « fouteurs de merde ». Ensuite, une fois que les fouteurs de merde ont bien foutu la merde, elle propose, l’air de rien, ses services, en devisant sur « y a plus de jeunesse », « ah, la civilisation, c’est plus ce que c’était », « la sécurité, c’est la première des priorités », etc.
Les casseurs et les réparateurs sortent évidemment de la même écurie, et le truc est vieux comme le monde.
Pourtant, ça marche partout et dans tous les domaines, par exemple le terrorisme en France : on envoie d’abord les mitrailleurs, puis le pouvoir policier israélisé qui nous promet encore « plus de sécurité ». Mais au prix de pas mal de libertés publiques, oh bon ben pas grave hein, ce qui compte c’est de rester en vie. Et paf, on perd la sécurité (il paraît qu’on en a pour 10 ans, d’après le ministre de la Guerre Samuel Valls et l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic), ET la liberté. D’expression, avant tout. Car c’est elle qui emmerde le pouvoir.
Pax americana
Ça a aussi marché en Irak, en 1990 et 2003, avec les deux guerres du Golfe : oh, attention, les vilains Irakiens ! Après le tapis de bombes sur les méchants, et le dépeçage du pays, vient le temps de la reconstruction avec l’Empire qui débarque en arbitre, aider un pays pauvre, ou plutôt appauvri par 20 ans de guerre… contre l’Empire. Faut pas avoir peur des contradictions. À ce niveau de cynisme, c’est de l’art.
Le couple emmerdeurs/réparateurs fonctionne à merveille sur les populations, il suffit de bien faire la distinction entre les gentils et les méchants. Le faible pourcentage de sceptiques garantissant de bon fonctionnement de cette ingénierie sociale… à fort fumet antisocial. D’où l’importance de la propagande, d’emporter le morceau dans l’opinion. Et ça marche. Grâce, entre autres, à Hollywood (la « com » de l’empire banco-militaro-industriel américano-israélien), qui distribue les rôles depuis un siècle. Fabriquer la légitimité d’une guerre de destruction d’un État souverain avec des milliers ou des millions de morts à la clé, c’est primordial.
On peut aussi complexifier le scénario, s’il sent trop le manichéisme : gentils et méchants changeant de fonction (bonne ou mauvaise) au gré des besoins des médias, ou des spectateurs.
En ce qui concerne les casseurs de Rennes, une partie des spectateurs (de visu ou via les vidéos) les trouve gentils (ce sont les gens de gauche) et l’autre les trouve méchants (les gens de droite). Mais c’est pas très grave puisque c’est le couple casseurs/policiers qui compte. Lui est globalement invariant et assure la création d’une fausse opposition, alors que le débat dangereux est ailleurs. En plus, il n’y a pas de débat : la majorité des participants des Nuit Debout ne sachant même pas de quoi il retourne. Un contre-feu bordélique sans conséquence organisé par le pouvoir, qui se choisit une opposition dénuée de force, d’idées, de but : une bande de mollusques déstructurée. Le rêve de tout totalitarisme !
- On ne saurait mieux dire...
Rennes 2 mes 2
En passant, on s’est intéressé à une question pas aussi accessoire que ça : pourquoi Rennes ? Eh bien, Rennes compte une grande population étudiante, c’est une ville jeune (un tiers des habitants a moins de 35 ans), et parmi les 60 000 étudiants, comme l’écrit Le Figaro, il y en a 20 000 qui sont à Rennes 2. Et Rennes 2, c’est quoi ? En gros, les sciences sociales et humaines, avec un bon bataillon en psychologie. On entend d’ici les ricanements des vrais bosseurs et les quolibets sournois fuser : « fac de glandus », « anarchistes à mi-temps », « filières à chômeurs », « bobos féminisés », on en passe et des plus sévères. Ces étudiants ont évidemment beaucoup plus intérêt à changer « les choses » que ceux qui triment en Sciences (Po) ou en ESC. C’est psychosociologique, n’est-ce pas.
Sauf que rien ne change, à l’arrivée.